Si le paiement de l’indemnité prévue à l’article L. 1142-15, alinéa 5, du code de la santé publique doit, en principe, être supporté par l’assureur n’ayant pas présenté d’offre d’indemnisation, il incombe à l’établissement de santé dans le cas où celui-ci n’a pas mis en cause son assureur dans la procédure contentieuse (C.Cass., Civ. 1ère, 16 Février 2022, n° 20-19333)

L’une des innovations majeures de la Loi « Kouchner » du 4 Mars 2002 fut la mise en place des Commissions Régionales de Conciliations et d’Indemnisations des Accidents Médicaux (CRCI), devenue ultérieurement CCI.

Ces Commissions permettent à une victime d’accident médical (au sens large) de réclamer une expertise puis une indemnisation sans saisir les Juridictions judiciaires ou administratives, ceci même sans Conseil (même si une telle stratégie peut s’avérer risquer faute de conseils, car chaque étape d’une procédure CCI doit appeler à une vigilance toute particulière).

Par simple requête, selon un formulaire téléchargeable (Formulaire 12245*03), le patient victime et/ou ses ayants-droits peuvent saisir une Commission qui apprécie alors si leurs préjudices sont susceptibles de fonder sa compétence.

Après expertise par les Experts missionnés par la Présidente de la Commission, et ensuite débats en Commission avec les parties concernées, la CCI prononce un avis pouvant, le cas échéant, déterminer l’assureur du professionnel de santé, chargé alors de présenter une offre à la victime dans un délai de 4 mois (article L. 1142-14 du Code de la santé publique).

L’un des autres apports de la Loi du 4 Mars 2002 a été de prévoir l’intervention de la solidarité nationale pour les infections nosocomiales, avec l’article L. 1142-1, II du Code de la santé publique via l’ONIAM (Office Nationale d’Indemnisation des Accidents Médicaux). Le rôle de celui-ci a été renforcé par la Loi du 30 Décembre 2002, avec l’insertion de l’article L. 1142-1-1 du Code de la santé publique.

L’ONIAM peut ainsi intervenir :

  • soit en cas d’infection nosocomiale, sous conditions de gravité
  • soit en l’absence d’offre de l’assureur de l’établissement de santé déclaré responsable du préjudice par la Commission dans son avis.

Une fois la victime indemnisée, l’ONIAM, subrogé dans ses droits (article L. 1142-15 4ème alinéa du Code de la santé publique) peut saisir un Juge pour agir obtenir remboursement des sommes versées, majorées d’une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue (5ème alinéa de l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique).

Si l’article L. 1142-15 du Code de la santé ne l’envisage pas dans expressément, est-il néanmoins possible pour l’ONIAM de viser l’établissement de santé afin d’obtenir le paiement de cette indemnité forfaitaire (15 %) plutôt que l’assureur défaillant ?

Par son arrêt publié au bulletin (C.Cass., Civ. 1ère, 16 Février 2022, n° 20-19333, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation répond par l’affirmative et apporte une précision importante pour les établissements de santé.

En l’espèce, sur le plan factuel et procédural :

  • après avoir été opérée, le 15 novembre 2005, d’un syndrome d’un canal carpien, au sein de la clinique des Dames blanches, Mme [C] a présenté des complications infectieuses.
  • Elle a saisi une commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux qui, par un avis du 30 septembre 2010, rendu à l’issue de mesures d’expertise, a estimé que Mme [C] avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de plein droit de la clinique des Dames blanches et que la réparation des préjudices incombait à l’assureur du Pôle santé Léonard de Vinci (l’établissement de santé), venant aux droits de la clinique.
  • En l’absence d’offre d’indemnisation présentée par l’assureur ou l’établissement de santé dans le délai de quatre mois, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM), saisi par Mme [C], lui a fait une offre d’indemnisation partielle qu’elle a acceptée le 25 octobre 2011.
  • Le 29 novembre 2011, Mme [C] a assigné l’établissement de santé en indemnisation de ses préjudices complémentaires et mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie d’Indre-et-Loire.
  • Elle s’est, ensuite, désistée de ses demandes après avoir accepté, le 5 février 2013, une offre d’indemnisation complémentaire par l’ONIAM qui, subrogé dans les droits de Mme [C], est intervenu volontairement à l’instance et a sollicité le remboursement des sommes versées, outre le paiement de l’indemnité prévue à l’article L. 1142-15, alinéa 5, du code de la santé publique et des frais d’expertise.

Par un arrêt en date du 8 Juin 2020, la Cour d’appel d’ORLEANS a

  • admis le caractère nosocomial de l’infection présentée par Mme [C]
  • constaté qu’aucune offre d’indemnisation n’avait été présentée à Mme [C], à la suite de l’avis de la CCI, par l’assureur de l’établissement de santé ou par celui-ci et que l’établissement de santé n’avait pas attrait à l’instance son assureur
  • condamné l’établissement de santé à rembourser à l’ONIAM les sommes versées à celles-ci et les frais d’expertise, outre une somme de 7 520,15 euros au titre de l’indemnité forfaitaire.

L’établissement de santé a formé un pourvoi, invoquant une fausse application de l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique puisque le législateur n’aurait entendu sanctionner que l’assureur qui s’est abstenu, par négligence ou délibérément, d’exécuter les obligations auxquelles il était tenu par le contrat.

La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation va estimer que ce moyen n’est pas fondé. Elle rappelle que

  • Aux termes de l’article L. 1142-14, alinéa 1, du code de la santé publique, lorsque la CCI estime qu’un dommage engage la responsabilité d’un professionnel de santé, d’un établissement de santé, d’un service de santé, d’un organisme mentionné à l’article L. 1142-1 ou d’un producteur d’un produit de santé, l’assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d’assurance.
  • Aux termes de l’article L. 1142-15, alinéa 5, du même code, en cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’ONIAM une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue.
  • Il s’en déduit que, si le paiement de cette somme doit, en principe, être supporté par l’assureur n’ayant pas présenté d’offre d’indemnisation, il incombe à l’établissement de santé dans le cas où celui-ci n’a pas mis en cause son assureur dans la procédure contentieuse.

et approuve la Cour d’appel d’avoir relevé que l’établissement de santé n’avait attrait à l’instance son assureur, pour le condamner à payer à l’ONIAM 15 % de l’indemnité allouée.

L’établissement de santé est donc au final sanctionné pour ne pas avoir appelé à la cause son assureur. Reste à se demander si la sanction s’appliquera si l’assureur, appelé à la cause, oppose avec succès un plafond de garantie ou démontre qu’il n’est pas l’assureur à la date de la réclamation.

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