Par un raisonnement par exclusion, la Cour de cassation rappelle que l’atteinte portée par un chirurgien, en accomplissant son geste chirurgical, à un organe ou un tissu que son intervention n’impliquait pas, est fautive, en l’absence de preuve par celui-ci d’une anomalie rendant l’atteinte inévitable ou de la survenance d’un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l’aléa thérapeutique (C.Cass., Civ. 1ère, 25 Mai 2023, n° 22-16848)

En droit médical, en vertu du I de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, la responsabilité des professionnels et établissements de santé relève d’un régime de responsabilité pour faute dont la preuve incombe au demandeur.

Le demandeur doit alors rapporter la triple preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ceux-ci.

En vertu de ce principe, il est admis que la faute d’un professionnel de santé soit sans lien de causalité avec le préjudice subi par la victime, ce qui fait échec alors à qu’une indemnité soit mise à la charge de celui-ci (pour un exemple récent, avec application de la théorie de la perte de chance : C.Cass.,Lire la suite

Le seul fait qu’un patient en hospitalisation libre ait pu se procurer une ceinture en trompant la vigilance du personnel hospitalier ne peut, même au regard du risque encouru, être imputé à une faute au centre hospitalier, alors que, en hospitalisation libre, il ne pouvait légitimement faire l’objet d’une fouille sans nécessité avérée (C.Cass., Civ. 1ère, 6 Avril 2022, n° 20-22148)

Mode d’admission privilégié et recherché en priorité dans le cadre des soins psychiatriques, l’hospitalisation libre se place aux côtés des modes d’admission sans consentement, constitués par :

  • soit l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, prévue aux articles L.3212-1 à L. 3212-12 du Code de la santé publique
  • soit l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat, prévue aux articles L. 3213-1 à L. 3213-11
  • soit l’admission en soins psychiatriques d’une personne détenue dans l’impossibilité de consentir aux soins, prévue à l’article L. 3214-3 du Code de la santé publique.

Lorsqu’un patient fait l’objet d’une admission sans son consentement, l’article L.… Lire la suite

Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection, avait le caractère d’un accident médical non fautif ou avait un lien avec une pathologie préexistante / l’impossibilité de l’établissement de santé de communiquer aux experts judiciaires l’intégralité du dossier médical n’est pas en tant que telle, de nature à établir l’existence de manquements fautifs de l’établissement de santé dans la prise en charge du patient (CE, 1er Février 2022, n° 440852)

Le Conseil d’Etat a tout récemment prononcé un arrêt intéressant concernant deux problématiques importantes en droit de la santé :

  • sur la qualification d’infection nosocomiale, survenue postérieurement à un accident médical non fautif
  • sur les conséquences du défaut de tenue d’un dossier médical.

Sur la qualification d’infection nosocomiale

L’article L. 1142-1-1 du Code de la santé publique prévoit l’intervention de la solidarité nationale, au travers de l’ONIAM, notamment pour « les dommages résultant d’infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 1142-1 correspondant à un taux d’incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ».… Lire la suite

Le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est contractuellement tenu vis-à-vis du MOA de sa faute dolosive : les motifs retenus par la Cour d’appel étaient impropres à caractériser une volonté délibérée et consciente de la SCI de méconnaître ses obligations par dissimulation ou fraude (C.Cass., Civ. 3ème, 8 Juillet 2021, n° 19-23879)

La faute dolosive du constructeur obéit à un régime juridique distinct de celui de la responsabilité décennale ou de la théorie des vices intermédiaires.

L’un de ses intérêts réside dans la possibilité d’agir contre un constructeur au-delà de l’expiration du délai de forclusion décennale.

Néanmoins, la faute dolosive reste difficile à caractériser et impose de préparer cette question dès le stade des opérations d’expertise judiciaire.

L’arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 8 Juillet 2021 (C.Cass., Civ. 3ème, 8 Juillet 2021, n° 19-23879) vient rappeler la difficulté pour la caractériser.

Une simple négligence, même fautive, n’est pas suffisante pour caractériser la faute dolosive.… Lire la suite

Compétence du Juge administratif pour connaitre du recours d’un constructeur contre le sous-traitant d’un co-défendeur en l’absence de lien de droit privé sur le fondement délictuel, sans limiter limiter l’analyse de la faute aux règles de l’art ou aux dispositions réglementaires (CE, 6 Novembre 2020, n°428457)

Un même chantier peut impliquer une multitude de relations de droit entre les différents acteurs. La situation peut s’avérer d’autant plus compliquée lorsque l’ouvrage est réalisé dans le cadre d’un marché public.

Il faut alors maîtriser les subtilités de la dualité juridictionnelle afin d’éviter l’irrecevabilité d’une demande.

Dans son arrêt du 6 Novembre 2020, le Conseil d’Etat donne un rappel utile, illustrant la – relative – simplification découlant des évolutions jurisprudentielles intervenues depuis plus de deux décennies.

Par une décision en date du 24 Novembre 1997 (Tribunal des conflits, 24 novembre 1997, n°03060 ) le Tribunal des conflits a estimé que « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé« , au sujet du recours d’un constructeur contre les architectes du chantier aux fins d’indemnisation de son préjudice résultant des fautes commises par ces derniers

Cette solution a ensuite été reprise par le Conseil d’Etat (CE, 2 Août 2011, n°330982) au sujet de l’action d’un maître d’ouvrage contre le sous-traitant d’un constructeur.… Lire la suite

L’invocation par la victime d’une seconde faute commise par l’établissement de santé était recevable pour la première fois en appel, y compris après l’expiration du délai d’appel, dès lors que la victime avait déjà recherché, en première instance, la responsabilité de l’hôpital sur le fondement de cette cause juridique en invoquant, devant le tribunal administratif, une faute commise par cet établissement (CE, 29 Juin 2020, n°420850)

Les établissements de santé, personnes morales de droit public, sont susceptibles de voir leur responsabilité recherchée devant le Juge administratif sur des fondements juridiques bien différents, entre la responsabilité pour faute prouvée, et le régime sans faute (infection nosocomiale, aléa thérapeutique, prothèses…).

Il est important de maîtriser chacune de ces notions pour un pilotage optimale de la procédure, dès son introduction, sous peine de préjudicier aux chances de succès de l’action.

De même, au sein du régime de la responsabilité pour faute prouvée, plusieurs types de faute peuvent être rencontrées (défaut de diagnostic, faute dans l’art chirurgical, défaut d’information…) qui peuvent s’entremêler le cas échéant avec la notion de perte de chance.… Lire la suite

Il incombe au créancier, qui recherche la responsabilité contractuelle d’un constructeur, d’établir l’existence de l’obligation et son inexécution / il incombe au constructeur qui entend s’exonérer de la garantie décennale dont il est débiteur d’établir l’absence de lien entre le désordre constaté et son intervention (C.Cass., Civ. 3ème, 14 mai 2020, 19-12988)

Garantie des vices intermédiaires et responsabilité décennale obéissent à des régimes bien distincts et la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation vient de prononcer un arrêt illustrant cette opposition.

Aux côtés des hypothèses de responsabilité contenues dans le Code civil, les constructeurs sont également débiteurs d’un régime de responsabilité d’origine jurisprudentielle : la garantie des vices intermédiaires.

La Cour de cassation a ainsi estimé, par un arrêt de sa 3ème Chambre civile du 10 Juillet 1978, que « la Cour d’appel, qui a relevé que les malfaçons litigieuses, relatives aux gros ouvrages, n’affectaient pas la solidité de la maison et ne la rendaient pas impropre à sa destination, a exactement énoncé que DELCOURT ne pouvait donc être présumé responsable sur le fondement de la garantie décennale de l’article 1792 du Code civil, et que les Epoux X… disposaient dès lors d’une action en responsabilité contractuelle contre cet architecte à condition de démontrer sa faute » (C.Cass.,Lire la suite

Même si les conditions fautives de prise en charge d’un patient par le SAMU n’ont pas eu d’incidence sur l’évolution de sa pathologie et les séquelles qu’il en a conservées, le préjudice moral en lien direct avec la faute commise peut être indemnisé (CAA NANTES, 3ème Ch., 21/02/2020, 17NT02664)

Guide pour la liquidation des préjudices, la nomenclature DINTHILAC n’est cependant pas exhaustive pour la victime. Le principe de réparation intégrale commande d’indemniser la victime de tous ses préjudices, sans pertes, ni profits.

Il revient à la victime de rapporter la preuve de la réalité de son préjudice, en lien de causalité avec une faute.

En droit médical, un préjudice n’est pas nécessairement en lien avec une faute. Présenté autrement, une faute médicale n’a pas nécessairement entrainé pour le patient un préjudice, c’est-à-dire que même correctement pris en charge, le patient aurait présenté un préjudice strictement identique.

Au fil des dernières années, la jurisprudence a pu se pencher sur des questions périphériques à la faute médicale stricto sensu et aux préjudices qui en découlent.… Lire la suite

Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l’égard d’un tiers au contrat lorsqu’il lui cause un dommage. Le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (C.Cass., Ass. Plén., 13/01/2020, n° 17-19963)

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation vient de prononcer un rappel important sur les conséquences d’un manquement contractuel d’une partie à l’égard des tiers (C.Cass., Ass. Plén., 13/01/2020, n° 17-19963). Le fait que cette décision soit prononcée par la formation la plus solennelle de la Haute juridiction doit être souligné.

La Cour de cassation entend donc marquer un retour à l’orthodoxie juridique.

Avec son nouveau mode de rédaction, la décision gagne en pédagogie.

Ainsi, l’Assemblée plénière rappelle qu’elle retient « le fondement délictuel ou quasi délictuel de l’action en réparation engagée par le tiers à un contrat contre un des cocontractants lorsqu’une inexécution contractuelle lui a causé un dommage« , se référant à sa décision du 6 Octobre 2006 (C.Cass.,Lire la suite

Revirement de jurisprudence : Le transporteur ferroviaire peut s’exonérer de sa responsabilité envers le voyageur lorsque l’accident est dû à une faute de celui-ci, sans préjudice de l’application du droit national en ce qu’il accorde une indemnisation plus favorable des chefs de préjudices subis par la victime (C.Cass., Civ. 1ère, 11 Décembre 2019, n°18-13840)

Dans le corpus juridique français, le régime applicable à l’indemnisation du dommage corporel des victimes d’accident ferroviaire était d’origine jurisprudentielle.

Le transporteur ferroviaire était soumis à une obligation de résultat de sécurité. Il devait ainsi indemniser la victime de ses dommages corporels, quelle qu’en soit l’origine, y compris en cas d’agression (en ce sens : C.Cass., Civ. 1ère, 12 décembre 2000, n°98-20635).

La faute de la victime n’avait pas d’effet exonératoire, sauf si cette faute présentait le caractère de la force majeure (C.Cass., Ch. Mixte, 28 novembre 2008, n°06-12307).

Pour le transport fluviale de voyageur, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation avait cependant admis de réduire le droit à indemnisation de la victime en raison de sa faute (C.Cass.,Lire la suite