Les différents intervenants à l’acte de construire ne peuvent être condamnés in solidum à réparer le préjudice du maître de l’ouvrage que si, par leurs fautes respectives, ils ont contribué de manière indissociable à la survenance d’un même dommage. La Cour d’appel devait caractériser en quoi les manquements respectifs des constructeurs étaient à l’origine de préjudices de jouissance et moraux indissociables (C.Cass., Civ. 3ème, 30 Avril 2025, n°23-21040)

Création jurisprudentielle, la condamnation in solidum représente une obligation utile pour tout créancier qui entend bénéficier de recours solvable. En retour, pour les débiteurs tenus au titre d’une obligation in solidum, elle implique la plus grande vigilance pour éviter de régler plus que la seule part qui leur incombe.

L’obligation in solidum trouve principalement à s’appliquer en matière de responsabilité civile. Si l’obligation solidaire concerne les parties contractuellement liées (par exemple dans un groupement de constructeurs ou un groupement de maîtrise d’œuvre), l’obligation in solidum s’applique entre parties non liées contractuellement.

Elle permet à un créancier (notamment un maître d’ouvrage) de solliciter l’un quelconque des responsables condamnés pour le paiement de la totalité de la dette, même si celui-ci se trouve ensuite privé de recours solvables contre les co-débiteurs, en raison de la disparition ou de l’insolvabilité de ceux-ci.… Lire la suite

Par un raisonnement par exclusion, la Cour de cassation rappelle que l’atteinte portée par un chirurgien, en accomplissant son geste chirurgical, à un organe ou un tissu que son intervention n’impliquait pas, est fautive, en l’absence de preuve par celui-ci d’une anomalie rendant l’atteinte inévitable ou de la survenance d’un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l’aléa thérapeutique (C.Cass., Civ. 1ère, 25 Mai 2023, n° 22-16848)

En droit médical, en vertu du I de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, la responsabilité des professionnels et établissements de santé relève d’un régime de responsabilité pour faute dont la preuve incombe au demandeur.

Le demandeur doit alors rapporter la triple preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ceux-ci.

En vertu de ce principe, il est admis que la faute d’un professionnel de santé soit sans lien de causalité avec le préjudice subi par la victime, ce qui fait échec alors à qu’une indemnité soit mise à la charge de celui-ci (pour un exemple récent, avec application de la théorie de la perte de chance : C.Cass.,Lire la suite

Succession d’infections nosocomiales : application de la théorie de la perte de chance sauf lorsqu’il est certain que le nouveau dommage ne serait pas survenu en l’absence de la première infection nosocomiale, le préjudice devant alors être réparé est le dommage corporel et non la perte de chance d’éviter la survenue de ce dommage (CE, 13 Janvier 2023, n°153963)

La qualification d’infection nosocomiale est l’objet de débats récurrents en jurisprudence. La situation est d’autant plus compliquée qu’une infection nosocomiale peut être consécutive à une chute subie dans un établissement de santé (CE, 12 Février 2020, n° 421483) ou survenir dans les suites d’un accident médical non fautif (CE, 1er Février 2022, n° 440852).

Le Juge administratif a de nouveau l’occasion de s’emparer de ce sujet, en présence de deux infections nosocomiales successives.

Par un arrêt en date du 21 Juin 2013 puis par un arrêt en date du 15 Avril 2016, le Conseil d’Etat avait déjà pu indiquer (CE, 21 Juin 2013, n°347450 CE, 15 Avril 2016, n° 367276):

« que doit être regardée, au sens de ces dispositions [2nd alinéa du I de l’article L.Lire la suite

Il résulte de l’article L. 1142-1, I du Code de la santé publique et du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, qu’une réparation ne peut être allouée au titre d’une perte de chance d’éviter le dommage qu’en l’absence de certitude que, si la faute n’avait pas été commise, le dommage ne serait pas survenu (C.Cass, Civ. 1ère, 1er Juin 2022, n°20-16909)

Le régime de la responsabilité pour faute suppose par principe la démonstration d’une faute en lien de causalité avec un préjudice. Ce principe s’applique en droit médical. Comme en d’autres matières, il connait cependant des spécificités. De la même manière que toute erreur n’est pas nécessairement fautive, une faute peut n’avoir que partiellement contribuer au préjudice du patient. Les aléas propres à la médecine comme l’état antérieur du patient peuvent impacter la prise en charge du patient et ses chances de guérison.

Dès lors, l’éventuelle faute d’un praticien, d’un professionnel ou d’un établissement de santé n’a pu, in fine, que provoquer une perte de chance d’échapper à la survenance du préjudice.… Lire la suite

En cas de dommage corporel ou d’aggravation du dommage, les juges du fond apprécient souverainement la date de la consolidation faisant courir le délai de prescription prévu par l’ancien article 2270-1 du code civil (C.Cass., Civ. 2ème, 10 Février 2022, n° 20-20143)

Le principe de réparation intégrale commande d’indemniser la victime, sans pertes, ni profits.

Pour la liquidation des préjudices de la victime, la référence à la nomenclature DINTHILAC est précieuse et guide le juriste dans son analyse, parmi les différents postes qui distinguent :

  • Les préjudices patrimoniaux
  • Les préjudices extra-patrimoniaux
  • Les préjudices temporaires (avant consolidation)
  • Les préjudices définitifs (post consolidation).

Le rapport DINTILHAC précise que consolidation « correspond à la fin de la maladie traumatique, c’est à dire à la date, fixée par l’expert médical, de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques« .

La date de consolidation doit donc faire l’objet d’une attention toute particulière, notamment lors des discussions intervenant devant l’Expert judiciaire.… Lire la suite

Confirmation de jurisprudence : le préjudice d’impréparation est distinct des atteintes corporelles subies consécutivement à une infection nosocomiale (C.Cass., Civ. 1ère, 9 Décembre 2020, n° 19-22055)

Tout professionnel de santé est soumis au devoir d’information en application de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique. Il n’en est dispensé qu’en cas d’urgence ou de refus du patient (sauf risque de transmission à des tiers).

La présence d’un patient mineur, sous mesure de protection (tutelle, curatelle…) ne dispense pas le professionnel de son devoir d’information envers celui-ci.

Si le Code de la santé publique évoque le devoir d’information à l’occasion des « différentes investigations, traitements ou actions de prévention », la Cour de cassation y inclut les évènements naturels, tel un accouchement par voie basse.… Lire la suite

Il incombe à l’établissement de santé de s’assurer qu’un médecin exerçant à titre libéral en son sein a souscrit une assurance et dispose de la qualification et la compétence requises et de veiller à la continuité des soins (C.Cass., Civ. 1ère, 25 Novembre 2020, n°19-20748)

En matière de responsabilité médicale, il est important de vérifier le statut du professionnel de santé au sein de l’établissement de santé au sein duquel il exerce, selon qu’il exerce à titre libéral car il convient de distinguer entre celui qui exerce à titre libéral, de celui qui exerce à titre salarié.

Le praticien libéral demeure responsable de ses fautes personnelles, tandis que le praticien salarié bénéfice d’une immunité, seul l’établissement de santé étant responsable. Ainsi, il en résulte que :

Lire la suite

La clause d’exclusion de garantie au titre du préjudice commercial, ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision, rendant nécessaire son interprétation (C.Cass., Civ. 2ème, 26 novembre 2020, n°19-16435)

L’article L. 113-1 du Code des assurances permet à l’assureur, hors clauses-types obligatoires, d’insérer des exclusions de garantie, à la condition que celles-ci demeurent formelles et limitées, c’est-à-dire selon la Cour de cassation :

Ainsi, en matière de « RC produits », la Cour de cassation a pu considérer comme formelle et limitée la clause qui écarte toute prise en charge pour les « dommages matériels subis par les travaux, ouvrages ou parties d’ouvrages exécutés par l’assuré, par les objets fournis et mis en œuvre par lui, ainsi que les frais et dépenses engagées pour la réparation de ces dommages » (C.Cass.,Lire la suite

Absence de preuve par l’assuré du lien de causalité entre l’évaluation financière réalisée par l’Expert d’assureur et les conséquences financières de cette évaluation estimée tardive pour son établissement (C.Cass., Civ. 2ème, 5 Novembre 2020 – n° 19-15740)

La 2ème Chambre civile vient de prononcer un arrêt (certes non publié ; C.Cass., Civ. 2ème, 5 Novembre 2020 – n° 19-15740) mais intéressant sur le plan pratique en ce qui concerne la potentielle responsabilité d’un Expert financier missionné par un assureur, vis-à-vis de l’assuré.

Cela implique d’apprécier l’éventuelle responsabilité de l’Expert financier missionné par l’assureur. Cette responsabilité sera nécessairement délictuelle en l’absence de lien contractuel entre l’Expert et l’assuré : seul l’article 1382, devenu 1240 du Code civil peut ainsi être invoqué.

Les données de l’affaire sont relativement simples :

  • le 14 septembre 2007, un incendie dans les locaux de l’entreprise agro-alimentaire qu’exploite la société Crêperie d’Emeraude a entraîné une interruption totale d’activité jusqu’au 21 novembre 2007, avant une reprise progressive.
Lire la suite

Expertise judiciaire : lorsque la prescription a été suspendue par une décision ayant fait droit à une mesure d’instruction présentée avant tout procès, le délai de prescription recommence à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée (C.Cass., Civ. 3ème, 22 Octobre 2020 – n° 19-17946)

Dans sa rédaction issue de la réforme législative du 17 Juin 2008, l’article 2239 du Code civil énonce que :

« La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée »

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion, par son arrêt du 22 Octobre 2020 (C.Cass., Civ. 3ème, 22 Octobre 2020 – n° 19-17946) de revenir sur l’application de ces dispositions, favorables au maître d’ouvrage.… Lire la suite