La recevabilité de l’action directe n’est pas subordonnée à l’appel en la cause de l’assuré par la victime : l’irrecevabilité des demandes formées par le tiers lésé à l’encontre de l’assuré responsable est sans incidence sur la recevabilité de son action directe contre l’assureur (C.Cass., Civ. 3ème, 11 mai 2022, n°21-12478)

Par un arrêt en date du 11 Mai 2022 (C.Cass., Civ. 3ème, 11 mai 2022, n°21-12478), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de confirmer sa jurisprudence relative à la recevabilité de l’action directe contre l’assureur du responsable, jurisprudence issu d’un revirement opéré par un arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 7 Novembre 2000 (C.Cass., Civ. 1ère, 7 Novembre 2000, n°97-22582).

Il faut rappeler que l’action directe est fondée sur l’article L. 124-3 du Code des assurances qui énonce :

« Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

L’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré »

Initialement, la jurisprudence avait exigé de la victime qui entendait exercer l’action directe, qu’elle mette à la cause du responsable lui-même (C.Cass., Civ. 1ère, 13 novembre 1991, n°88-20220), ce qui n’allait sans difficulté, y compris pour l’assureur subrogé dans les droits de la victime.

La Cour de cassation a alors opéré un revirement de jurisprudence par un arrêt de la 1ère Chambre civile du 7 Novembre 2000 (C.Cass., Civ. 1ère, 7 Novembre 2000, n°97-22582), en énonçant que :

« Vu l’article L. 124-3 du Code des assurances ;

Attendu que la recevabilité de l’action directe n’est pas subordonnée à l’appel en la cause de l’assuré par la victime ;

Qu’encourt dès lors la cassation l’arrêt attaqué qui a déclaré irrecevable l’action directe dirigée par la société Thomson-CSF contre la société Préservatrice Foncière assurances, assureur de la société Tailleur industrie, au motif que cette assurée n’avait pas été attraite en la cause devant la Cour de manière régulière »

Cette jurisprudence a été

En conséquence, par exemple :

Par son arrêt du 11 Mai 2022, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation vient donc confirmer cette jurisprudence.

En l’espèce, les acquéreurs de lots d’un immeuble ancien ont constitué une association foncière urbaine libre en vue de la réalisation d’une opération de restauration immobilière éligible à un dispositif de défiscalisation.

L’AFUL a conclu

  • un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage avec la société Emergence immobilier investissement, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Swiss Life assurances,
  • un marché de travaux d’entreprise générale avec la société Etablissements [W] Eyraud promotion construction immobilière, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Swiss Life assurances
  • un contrat de maîtrise d’œuvre avec la société Wood et associés, assurée auprès de la MAF
  • un contrat de maîtrise d’œuvre juridique avec une SCP, représentée par M. [F] en sa qualité de liquidateur amiable (la SCP), assurée auprès de la société MMA assurances et bénéficiant d’une police « maniement des fonds » souscrite auprès de la société Allianz IARD.

Se plaignant notamment de retards, d’inachèvements et de désordres affectant les travaux réalisés ainsi que d’avances financières ayant excédé l’état d’avancement de ceux-ci, l’AFUL et chacun de ses membres ont assigné, après expertise, l’ensemble des intervenants et leurs assureurs en réparation de leurs préjudices.

Par un arrêt en date du 1er Décembre 2020, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a notamment déclaré l’AFUL et ses membres irrecevables en leurs demandes dirigées contre la Société Swiss Life assurances en sa qualité d’assureur de la société Etablissements [W] Eyraud, au motif que l’instance ayant été interrompue suite à la mise en liquidation judiciaire de la société Ets [W] Eyraud promotion construction sans avoir été reprise à l’encontre de son liquidateur.

L’AFUL et ses membres ont formé un pourvoi, invoquant une violation des articles L. 243-7 et L. 124-3 du code des assurances.

Sous le visa de l’article L. 124-3 du Code des assurances, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation censure la Cour d’appel

  • rappelant que selon ce texte, l’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré.

 

  • ajoutant qu’il est jugé, en application de ce texte, que la recevabilité de l’action directe n’est pas subordonnée à l’appel en la cause de l’assuré par la victime, se référant à deux de ses précédentes décisions, dont celle de son revirement de jurisprudence (Cass., Civ. 1ère, 7 Novembre 2000, n° 97-22582 et C.Cass., Civ. 3ème, 15 Mai 2002, n°00-18541)
  • rappelant encore que l’irrecevabilité des demandes formées par le tiers lésé à l’encontre de l’assuré responsable est sans incidence sur la recevabilité de son action directe contre l’assureur
  • reprochant à la Cour d’appel d’avoir violé l’article L. 124-3 du Code des assurances.

Dès lors, l’appel à la cause du liquidateur judiciaire et/ou du mandataire judiciaire n’est pas nécessaire pour engager une action directe contre l’assureur du responsable.

Cela n’empêche pas que préalablement, il sera nécessaire de rapporter la preuve d’une faute de l’assuré, si nécessaire devant la Juridiction compétente après une demande de sursis à statuer puisque :

En effet, alors que :

  • La responsabilité du titulaire d’un marché public de travaux relève de la compétence du juge administratif
  • Le Juge judiciaire redevient compétent dès que le contrat unissant le constructeur à un assureur est un contrat de droit privé (l’action directe contre l’assureur est donc rare puisque le contrat ne sera qualifié de droit que s’il répond à la définition de l’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001).

La solution est bien établie et suivie par :

Dans cette configuration, l’action directe contre l’assureur suppose préalablement une déclaration de responsabilité de l’assuré.

C’est si vrai que l’assureur pourra se prévaloir d’une décision du Juge administratif mettant hors de cause son assuré, pour faire échec à l’action directe, comme l’a statué la Cour de cassation dans son arrêt du 14 Juin 2012 (C.Cass., Civ. 2ème, 14 juin 2012, n°10-17239) :

Le Juge judiciaire ne peut donc pas se prononcer sur la responsabilité d’un constructeur titulaire d’un marché public (C.Cass., Civ. 1ère, 9 juin 2010, n°09-13026).

Le Juge judiciaire retrouve par contre sa compétence pour apprécier l’éventuelle prescription de l’action directe contre l’assureur (C.Cass., Civ. 3ème, 21 Novembre 2019, n° 18-21931).

Cette confirmation de jurisprudence est favorable au maître d’ouvrage qui doit cependant faire preuve de prudence et de vigilance puisque

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