Si l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (C. Cass., Civ. 3ème, 18 Avril 2019, pourvoi n° 18-10883)

La computation des délais de forclusion et prescription représente un enjeu important dans la conduite d’une procédure. Il est important de pouvoir déterminer les fondements juridiques invocables et ainsi ensuite les viser dans l’assignation qui viendra suspendre ou interrompre les délais.

A défaut, la prescription et la forclusion risquent d’être opposées au demandeur.

Changer de fondement en cours de procédure peut donc s’avérer périlleux.

L’arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 18 Avril 2019 (pourvoi n° 18-10883) ouvre une porte de sortie au demandeur souhaitant changer de fondement juridique.

En l’espèce, les Epoux P ont acquis d’une maison d’habitation auprès de Monsieur G, selon acte en date du 14 Janvier 2011.

Le 20 Août 2012, les Epoux P ont assigné Monsieur G en invoquant des désordres établis par un rapport déposé le 15 Mai 2012, en sollicitant la nullité de la vente pour dol(Article 1137 du Code civil).

Une expertise judiciaire est intervenue postérieurement, aboutissant au dépôt d’un rapport d’expertise judiciaire.

Par conclusions en date du 7 Mars 2015, les Epoux P ont sollicité la nullité de la vente ou de sa résolution sur le fondement de la garantie des vices cachés (Articles 1641 et suivants du Code civil).

Par un arrêt en date du 31 Octobre 2017, la Cour d’appel de RENNES a :

  • déclaré recevable l’action en garantie des vices cachés
  • prononcé la résolution de la vente
  • condamné Monsieur G. à payer diverses sommes.

Monsieur G. a formé un pourvoi contre cet arrêt, estimant que l’action en garantie des vices cachés était prescrite.

Les moyens du pourvoi sont écartés et la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de RENNES, en estimant que :

  • « si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première« 
  • en l’espèce, « l’action en nullité, bien que distincte de l’action en résolution, tendait à un même but, l’anéantissement de la vente« 
  • c’est à bon droit que « la cour d’appel en a exactement déduit que l’assignation du 20 août 2012 sur le fondement du dol avait interrompu la prescription de l’action en garantie des vices cachés« 

 

La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation avait déjà appliqué ce principe en matière bancaire par un arrêt du 18 Juillet 2018 (C.Cass., Civ. 1ère, 11 Juillet 2018, pourvoi n°17-19882) :

« Mais attendu que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;

Et attendu qu’ayant relevé que l’emprunteur avait, le 7 février 2012, assigné la banque en nullité du prêt en se prévalant de l’illicéité du démarchage, puis, par des conclusions déposées le 3 avril 2014, demandé au tribunal de prononcer la nullité du prêt en raison de l’obligation de remboursement en francs suisses, qu’il s’agissait d’une seule et même prétention d’annulation du prêt et que l’objet des demandes visant à obtenir le prononcé de la nullité du prêt était identique, la cour d’appel en a exactement déduit que l’assignation avait interrompu la prescription de la demande en annulation du prêt, quel qu’en ait été le fondement ; que le moyen n’est pas fondé »

L’arrêt de la Cour de cassation du 18 Avril 2019 aura le mérite de permettre au demandeur de changer de fondement en cours de procédure.

Néanmoins, la solution est source de confusion sur le strict plan juridique. D’une part, nullité et résolution sont deux termes distincts. D’autre part, si le dol et action en garantie des vices cachés peuvent se cumuler, tel n’est pas le cas de l’erreur et des vices cachés (en ce sens : C.Cass., Civ. 3ème, 4 Mai 2016, pourvoi n° 15-11351), alors pourtant, à suivre la Cour de cassation, le but poursuivi est le même : l’anéantissement de la vente.

En outre, et surtout, en ce qui concerne la garantie des vices cachés, il convient de rappeler que celle-ci ouvre la possibilité au demandeur sur ce fondement d’opter, conformément à l’article 1644 du Code civil, entre

  • l’action rédhibitoire (« rendre la chose et de se faire restituer le prix« )
  • l’action estimatoire (« garder la chose et de se faire rendre une partie du prix« )

A suivre le raisonnement de la Cour de cassation, les Epoux P. auraient été prescrits pour solliciter une restitution partielle du prix (action estimatoire) de sorte qu’ils n’avaient pas d’autres solutions que d’envisager de se séparer du bien…

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