La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de revenir sur l’obligation de conseil qui pèse sur les acteurs d’une opération immobilière et sur la charge de la preuve.
Cette obligation de conseil peut revêtir de multiples aspects et intervient tout au long de l’exécution du contrat, et même avant :
- Au stade du contrat préliminaire de réservation : Cass., Civ. 3ème, 13 mars 2007, n°06-11156
- Au moment du contrat de réservation : Cass., Civ. 3ème, 7 novembre 2007, n°06-18617
- En cours d’exécution du chantier (par exemple : modifications intervenues en cours de chantier susceptibles d’avoir un impact sur le plan fiscal : CA RENNES, 4ème chambre, 20 Février 2014, n° 11/01535).
L’obligation de conseil peut trouver à s’appliquer alors même que les ouvrages réalisés sont conformes aux documents contractuels et à la réglementation (C.Cass., Civ. 3ème, 16 juin 2009, n°08-15438 : « Attendu qu’ayant retenu que si l’accès aux terrasses était exclu du champ d’application des règlements mais faisait l’objet de recommandations s’imposant seulement à titre contractuel et que si le niveau de la porte fenêtre d’accès aux terrasses nord et sud ne constituait pas une non-conformité par rapport aux documents contractuels ainsi qu’aux normes et règlements en vigueur, la responsabilité de Mme X… Giorgio était néanmoins engagée envers Mme Z…, personne souffrant d’un handicap moteur, au titre de l’obligation de conseil qui pesait sur elle en sa qualité de professionnel de l’immobilier, la cour d’appel a pu en déduire que Mme X… Giorgio devait réparer le préjudice subi« ).
Classiquement, la charge de la preuve du respect de cette obligation de conseil pèse sur le constructeur (charge de la preuve sur l’architecte : C.Cass., Civ. 3ème, 14 décembre 2004, n°03-15948).
Pareille charge de la preuve pèse sur l’intermédiaire commercial d’un Promoteur, comme l’indique la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation (C. Cass., Civ. 1ère, 09/09/2020, n° 18-25015).
En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- après avoir conclu, le 20 juin 2004, par l’intermédiaire de M. S…, un contrat de réservation portant sur un lot de copropriété en l’état futur d’achèvement, destiné à la location et permettant de réaliser une opération de défiscalisation, Mme A… (l’acquéreur) a, suivant acte authentique dressé le 26 novembre suivant par la SCP H… E… et N… E… (le notaire), acquis ce lot de la SCI Résidence Le Cordat (le vendeur)
- Cette acquisition a été financée au moyen d’un prêt immobilier souscrit auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Gard, devenue la caisse régionale de Crédit agricole du Languedoc (la banque).
- Les travaux n’ont jamais été achevés et, par jugement du 14 février 2011, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire.
- L’acquéreur a assigné M. L…, en sa qualité de mandataire liquidateur du vendeur, en annulation de la vente, ainsi que le notaire, la banque et M. S…, en responsabilité et indemnisation.
Par un arrêt en date du 30 Janvier 2017, la Cour d’appel de RIOM a débouté Mme A… de sa demande contre M. S… (commercial), aux motifs qu’elle « ne démontre nullement en quoi M. G… S… aurait lui-même, dans son unique rôle d’intermédiaire commercial, fait montre à son égard d’une attitude déloyale, abusive ou excédant les limites de son devoir de conseil« .
Sous le visa de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, la Cour de cassation rappelle que « celui qui est tenu d’une obligation d’information et de conseil doit rapporter la preuve de son exécution« , avant de censurer la Cour d’appel pour avoir renversé la charge de la preuve.
Il reviendra donc à l’intermédiaire commercial de justifier devant la Cour de renvoi, du bon accomplissement de son devoir de conseil.