Le défaut de contrôle de la régularité du contrat de construction de maison individuelle imputé au prêteur sur le fondement des dispositions de l’article L. 231-10 du code de la construction et de l’habitation se manifestait par définition à la signature du contrat et que les maîtres de l’ouvrage étaient donc en mesure de le constater à cette date (C.Cass., Civ. 3ème, 25 juin 2020, n°19-13553)

Dispositif protecteur et encadré notamment par le Code de la construction et de l’habitation, le contrat de construction de maison individuelle est susceptible de concerner d’autres acteurs que ceux participant  l’acte de construire.

Le banquier peut voir sa responsabilité recherchée au titre de son devoir de conseil (mais seulement pour le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, et non celui sans fourniture de plan).

L’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation indique ainsi que « aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L. 231-2 qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication de l’attestation de garantie de livraison« .

Concernant l’application de ces dispositions, la Cour de cassation a opté pour une conception formelle du contrôle devant être opéré :

  • Cass., Civ. 3ème, 26 Septembre 2007, n° 06-17081 : « la cour d’appel, qui a retenu que le prêteur n’était pas tenu d’une obligation excédant le contrôle formel de l’existence de l’attestation de garantie de livraison, a pu en déduire que la Banque patrimoine et immobilier n’avait pas commis de faute, le banquier prêteur n’étant pas tenu de vérifier les conditions de la délivrance de l’attestation de garantie de livraison, ni de conseiller les maîtres de l’ouvrage sur la vérification de ces conditions« 
  • Cass., Civ. 3ème, 19 Mai 2009, n° 08-13207 : pas d’obligation pour l’organisme prêteur de s’interroger sur une potentielle requalification du contrat : « l’organisme prêteur n’avait pas l’obligation de s’interroger sur la véritable nature du contrat et d’en proposer la requalification, la cour d’appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que les époux X… ne justifiaient pas d’un manquement de la Société générale à son obligation de conseil » (mais a contrario : C.Cass., Civ. 3ème, 21 janvier 2016, n°14-22279). Plus récemment : C.Cass., Civ. 3ème, 11 Juillet 2019, n° 18-10368 : « Mais attendu qu’ayant relevé que les maîtres de l’ouvrage avaient joint à leur demande de prêt un contrat d’architecte ayant pour objet les études préliminaires, la demande de permis de construire, ainsi que deux devis, sans précision du délai d’achèvement des travaux établis par l’entreprise MPI pour les menuiseries extérieures et l’entreprise Quadra construction pour le reste de la construction, la cour d’appel a pu en déduire, au vu des pièces remises par les emprunteurs sur la base desquels le prêt avait été consenti, que la Caisse d’épargne avait pu légitimement penser que ses clients s’étaient adressés à un architecte et à deux entreprises avec lesquelles ils avaient conclu des marchés de travaux et qu’il ne s’agissait pas d’un contrat de construction de maison individuelle« 
  • Cass., Civ. 3ème, 24 Novembre 2016, n° 15-13748 : « Mais attendu qu’ayant relevé que l’article L. 231-10 du code de la construction et de l’habitation fait obligation au prêteur de vérifier, au moment d’émettre son offre de prêt, que le contrat comporte les énonciations mentionnées à l’article L. 231-2 du même code et retenu, à bon droit, que ce contrôle est limité à la présence des clauses obligatoires mais non à l’exactitude de leur contenu, la cour d’appel, qui n’a pas constaté la nullité du contrat pour les griefs formulés par les consorts X…-Y… contre la banque et devant laquelle il n’était pas soutenu que la faute du CFF leur aurait fait perdre une chance de ne pas souscrire le contrat avec la société DGR, a légalement justifié sa décision« 

Cependant, aux côtés des dispositions de l’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, la jurisprudence a mis à la charge du prêteur, en tant que professionnel, une obligation de conseil et de renseignement, sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil :

  • Cass., Civ. 3ème, 17 Novembre 2004, n° 03-16305 : « Mais attendu que l’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, qui ne met pas à la charge du prêteur l’obligation de requalifier le contrat qui lui est soumis, ne le dispense pas de son obligation de renseignement et de conseil à l’égard du maître de l’ouvrage à qui il fait une offre de prêt ; qu’ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés, que si le prêteur de deniers ne peut s’immiscer dans la convention passée entre le constructeur et le maître de l’ouvrage, le banquier n’en a pas moins, à titre de renseignement et de conseil, l’obligation de déterminer avec son client, dépourvu de connaissances juridiques, le cadre contractuel du projet qu’il accepte de financer, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche sur l’existence d’un plan que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire qu’en s’abstenant de rechercher si la convention passée entre les époux X… et M. Y… ne recouvrait pas en réalité un contrat de construction de maison individuelle imposant le respect des dispositions protectrices édictées par le Code de la construction et de l’habitation, le Crédit mutuel avait commis une faute ouvrant droit à réparation« 
  • Cass., Civ. 3ème, 11 Janvier 2012, n° 10-19714 : « Mais attendu, d’une part, qu’ayant exactement retenu que, si l’article L. 231-10 du code de la construction et de l’habitation ne met pas à la charge du prêteur de deniers l’obligation de requalifier en contrat de construction de maison individuelle le document qui lui est soumis et si le prêteur ne peut s’immiscer dans la convention passée entre le constructeur et le maître de l’ouvrage, il n’en a pas moins un devoir d’information et de conseil et qu’en l’espèce, il ne pouvait échapper au prêteur, rompu à la lecture des contrats de construction de maison individuelle, que l’acte passé entre les consorts X…-Y… et la société Pro-conseils-Wako France était un véritable contrat de ce type même s’il était qualifié de marché de travaux pour la construction d’une maison individuelle et, d’autre part, qu’ayant constaté que l’acte de prêt comportait plus de cent pages avec ses annexes, que le paragraphe intitulé  » conditions diverses « , par lequel l’emprunteur était informé qu’il ne bénéficiait pas des règles protectrices instituées par le code de la construction et de l’habitation, n’était pas évocateur et que les risques encourus n’étaient pas indiqués précisément, la cour d’appel a pu en déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le Crédit immobilier avait manqué à son obligation de renseignement et de conseil« .

Sévère avec le banquier prêteur, la Cour de cassation a pu, par la suite, atténuer sa position (C.Cass., Civ. 3ème, 9 Octobre 2013, n° 12-24900 ; C.Cass., Civ. 3ème, 11 Juillet 2019, n° 18-10368).

La question de la responsabilité du prêteur est une chose, l’action contre celui-ci en est une autre.

Le demandeur doit surveiller particulièrement les délais de prescription.

Par son arrêt du 25 Juin 2020 (C.Cass., Civ. 3ème, 25 juin 2020, n°19-13553), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion d’aborder la question du délai de prescription et son point de départ concernant la responsabilité du banquier, tant au regard des dispositions de l’article L. 231-10 du CCH, que de son devoir de renseignement et de conseil.

En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que

  • et Mme O… ont procédé à plusieurs investissements locatifs par l’intermédiaire de M. A…, gérant des sociétés PGL et PLS.
  • et Mme O… ont conclu un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec la société Maison Côte Atlantique (la société MCA), assurée auprès de la société CAMCA, prévoyant des travaux restant à la charge du maître d’ouvrage pour 40 000 euros.
  • L’opération immobilière a été financée par un prêt souscrit auprès du CFF et la garantie légale de livraison a été accordée par la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la CEGC).
  • La réception est intervenue sans réserve au nom des maîtres d’ouvrage par M. A… le 23 juillet 2009.
  • et Mme O… ont confié certains des travaux réservés à la société Sicaud, qui a été payée.
  • La maison a été donnée à bail par la société PLS pour le compte de M. et Mme O… à compter du 2 novembre 2009.
  • Invoquant divers désordres affectant leur immeuble, M. et Mme O… ont, après expertise, assigné les sociétés MCA, CAMCA, Sicaud, CEGC et CFF en indemnisation de leurs préjudices.

Par un arrêt en date du 10 Janvier 2019, la Cour d’appel de BORDEAUX a débouté M. et Mme O… de leurs demandes de condamnation de la Société CFF (le prêteur) à leur verser la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour

  • manquement à son devoir de mise en garde
  • manquement aux dispositions de l’article L. 231-10 du code de la construction et de l’habitation

aux motifs que leur action était prescrite.

A l’appui de leur pourvoi, les Epoux O… ont soutenu que la conclusion du prêt ne saurait, à elle seule, révéler le dommage à la victime.

Le pourvoi est cependant rejeté par la Cour de cassation qui énonce que :

  • sur le devoir de mise en garde : « lors de la signature de l’acte authentique de prêt, M. et Mme O… connaissaient leurs revenus et les charges de remboursement qu’allait entraîner l’emprunt et se trouvaient ainsi à même d’apprécier la manière dont le prêteur avait exercé son obligation de conseil puisqu’ils indiquaient n’avoir jamais été reçus par aucun représentant de la banque qui n’avait même jamais pris contact avec eux« 
  • sur le contrôle de l’article L. 231-10 du CCH :

 

« La cour d’appel a retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que le défaut de contrôle de la régularité du contrat de construction de maison individuelle imputé au CFF sur le fondement des dispositions de l’article L. 231-10 du code de la construction et de l’habitation se manifestait par définition à la signature du contrat et que les maîtres de l’ouvrage étaient donc en mesure de le constater à cette date.

Elle a pu en déduire que l’action fondée sur ce défaut de contrôle de la régularité du contrat était prescrite pour avoir été formée plus de cinq ans après la conclusion de l’acte de prêt »

Pour le maître d’ouvrage qui entend préserver ses recours contre le prêteur, il sera donc important de veiller à interrompre en temps utile le délai de prescription.

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