L’assignation en référé- expertise délivrée par l’assureur dommages-ouvrage interrompt le délai de forclusion décennale à l’égard des constructeurs et de leurs assureurs, bien qu’il n’ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à celui-ci avant que le juge du fond n’ait statué (C.Cass., Civ. 3ème, 14 Janvier 2021, n° 19-21358)

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de revenir sur la subrogation in futurum dont bénéficie l’assureur dommages-ouvrage.

L’assurance dommage est notamment définie à l’article L. 242-1, tant pour la nature des garanties que pour la procédure d’instruction des déclarations de sinistre puis l’offre d’indemnisation. Ces dispositions sont complétées par les clauses-type de l’annexe II de l’article A 243-1 du même Code.

L’assurance dommages-ouvrage repose sur un principe de pré-financement : l’assureur DO indemnise le maître d’ouvrage et effectue ensuite, postérieurement, une fois subrogé, ses recours. La subrogation intervient en vertu de l’article L. 121-12 du Code des assurances.

Il est donc important qu’il puisse préserver ses recours, sans être tributaire des recours engagés, ou pas, par le maître d’ouvrage.

C’est la raison pour laquelle

L’intérêt est indéniable puisque l’assureur DO n’est plus tributaire des diligences de l’assuré. Il peut instruire son dossier en maitrisant les délais de prescription et de forclusion.

Sa qualité pour agir doit être appréciée, subrogée dans les droits du maître d’ouvrage en vertu de l’article L. 121-12 du Code des assurances, doit être appréciée, non pas à la date de son assignation, mais au plus tard au moment où le Juge statue.

La Cour de cassation confirme ainsi une jurisprudence désormais bien établie :

Par un arrêt en date du 30 Janvier 2008, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a également considéré que cette subrogation peut intervenir y compris dans le cadre d’un appel en garantie, la subrogation de l’assureur DO intervenant par l’exécution de l’arrêt (C.Cass., Civ. 3ème, 30 Janvier 2008, n° 06-19100).

La subrogation in futurum produit ses effets tant concernant l’action au fond que les instances en référé engagée antérieurement.

La solution est identique en droit public :

En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que :

  • Une SCI a fait construire un groupe de bâtiments, dont la réception a été prononcée le 21 mars 1991.
  • Se plaignant de désordres, le syndicat des copropriétaires et plusieurs copropriétaires ont obtenu, par ordonnance de référé du 20 septembre 1995, une mesure d’expertise contradictoire à l’égard de la SCI et de la société Assurances générales de France, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage.
  • A la suite d’assignations de l’assureur dommages-ouvrage des 24 et 25 janvier 1996, les opérations d’expertise ont été rendues communes aux locateurs d’ouvrage et à leurs assureurs par ordonnance de référé du 7 février 1996.
  • Par acte du 30 juin 2000, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires ont assigné la SCI et l’assureur dommages-ouvrage en réparation de leurs préjudices.
  • Par actes des 25 octobre et 7 novembre 2000, l’assureur dommages-ouvrage a appelé en garantie les locateurs d’ouvrage et leurs assureurs. Cette instance a fait l’objet d’une radiation.
  • Par actes des 30 décembre 2005, 3 et 10 janvier 2006, l’assureur dommages-ouvrage a exercé ses recours à l’encontre de divers locateurs d’ouvrage et de leurs assureurs, parmi lesquels la SMABTP et la société Axa corporate solutions assurance, aux droits de laquelle vient la société XL insurance company SE, au titre des sommes dont elle devait s’acquitter au profit du syndicat des copropriétaires et de certains copropriétaires.

Par un arrêt en date du 21 Mars 2019, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a déclaré irrecevable les recours de l’assureur DO comme prescrite au motif que  » « l’assignation en référé délivrée à la seule demande de l’assureur dommages-ouvrage contre les constructeurs et leurs assureurs, alors qu’il n’est pas subrogé dans les droits du bénéficiaire de l’assurance dommages-ouvrage, n’a pas d’effet interruptif de prescription ».

L’assureur DO a formé un pourvoi.

L’arrêt d’appel est censuré sous le visa des articles

  • 121-12 du code des assurances,
  • 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008
  • 126 du code de procédure civile.

La 3ème Chambre civile rappelle la solution désormais acquise selon laquelle

« Il résulte de la combinaison de ces textes que l’assignation en référé- expertise délivrée par l’assureur dommages-ouvrage interrompt le délai de forclusion décennale à l’égard des constructeurs et de leurs assureurs, bien qu’il n’ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à celui-ci avant que le juge du fond n’ait statué »

Avant de reprocher à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’assureur DO n’était pas subrogé dans les droits du SDC au moment où elle a statué.

L’assignation en référé délivrée par l’assureur DO avait valablement produit ses effets, rétroactivement, dès lors qu’au moment où le Juge du fond statue sur les recours, la subrogation est intervenue.

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