Conditions de la faute dolosive et transmissibilité au sous-acquéreur de l’immeuble (C.Cass., Civ. 3ème, 12 Juillet 2018 (pourvoi n° 17-20627)

Par deux arrêts en date du 12 Juillet 2018, publiés à son Bulletin, la Cour de cassation est venue rappeler les contours de la faute dolosive en matière de construction immobilière.  L’arrêt prononcé sous le numéro de pourvoi n°17-20627 confirme que le fondement de cette action est lié à la qualité de propriétaire de l’ouvrage, parallèle intéressant avec la jurisprudence applicable en matière de responsabilité décennale.

A titre liminaire, il doit être rappelé que la faute dolosive est un régime juridique distinct de celui de la responsabilité décennale ou de la théorie des vices intermédiaires. Avant la réforme de la prescription de 2008, son principal intérêt était notamment de permettre d’échapper au délai de prescription de 10 ans. Depuis le 17 Juin 2018, se pose la question de l’application, ou non, de la prescription décennale définie par l’article 1792-4-3 du Code civil. La Cour de cassation a néanmoins semblé écarter ce délai en matière de faute dolosive (C.Cass., Civ. 3ème, 25 Mars 2014, pourvoi n° 13-11184). S’appliquerait donc un délai de 5 ans à compter de la découverte du dommage (Article 2224 du Code civil), tout en ne pouvant excéder le délai de 20 ans courant depuis la conclusion du contrat (Article 2232 du même Code). L’intérêt de l’action sur la faute dolosive serait donc préservé.

 

Plus contraignant, le régime de la faute dolosive du constructeur implique néanmoins de franchir un certain seuil de gravité dans la faute commise. Une simple négligence, même fautive, n’est pas suffisante pour caractériser la faute dolosive. Par contre, il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve d’une intention de nuire. En l’espèce, la Cour de cassation sanctionne le constructeur d’avoir gardé le silence au moment de la remise des clefs de l’habitation au Maître d’ouvrage, alors même qu’il ne pouvait ignorer que la structure ne pouvait correspondre aux projets de celui-ci. La faute dolosive est ainsi consacrée mais a nécessité un effort probatoire plus important. Ce point doit être d’autant plus souligné que par un arrêt du même jour (pourvoi n° 17-19701), la Cour de cassation a censuré pour insuffisance de motifs une Cour d’appel qui avait retenu l’existence d’une faute dolosive, alors que n’était pas rapporté la preuve que le constructeur « aurait violé ses obligations contractuelles par dissimulation ou par fraude et, partant, commis une faute dolosive » : la Cour d’appel s’était focalisée sur la seule gravité de la faute pour retenir la faute dolosive.

 

Ensuite, une fois caractérisée la faute dolosive, et donc le droit à indemnisation, restait à déterminer qui devait être indemnisé.

 

C’est le 2ème apport de l’arrêt commenté : la Cour de cassation confirme que l’action sur la faute dolosive s’analyse comme une action contractuelle. Elle est donc attachée à l’immeuble et se transmet aux acquéreurs successifs. Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (en ce sens : C. Cass., Civ. 3ème, 27 Juin 2001, pourvoi n° 99-21017). Auparavant, la Cour de cassation estimait que l’action relevait du régime délictuelle (C. Cass., Civ. 3ème, 18 Décembre 1996, pourvoi n°95-10658).

 

Ainsi, en cas de vente de l’immeuble, seul le propriétaire de l’immeuble au moment où le Juge statue pourra prétendre aux indemnités. Un lien pourra alors être opéré avec le régime applicable en matière de responsabilité décennale lors de la cession de l’ouvrage.

 

Il s’en déduit qu’en matière de faute dolosive, le maître d’ouvrage cédant ne pourra réclamer une indemnisation qu’à la condition de justifier d’un intérêt direct : il en ira ainsi, par exemple, s’il a dû supporter des frais de remise en état. A défaut, il sera débouté de sa demande, sauf clause spécifique insérée dans l’acte authentique de vente consenti par ses soins.

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