Hors clause type obligatoire, et puisque le contrat d’assurance est un contrat, l’assureur peut insérer dans le contrat souscrit avec l’assuré des exclusions de garantie. Le Code des assurances est venu encadrer cette possible.
La validité de ces clauses et leur opposabilité nourrit un contentieux abondant et l’arrêt du 3 Avril 2025 donne l’occasion de revenir sur une de ses composante essentielle, le caractère précis (C.Cass., Civ. 2ème, 3 Avril 2025, n°23-20003).
Sur le plan formel, l’article L. 112-4 du Code des assurances exige que ces clauses d’exclusion « ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents« . Cette exigence « n’est pas applicable, sauf dispositions particulières, aux nullités, déchéances ou exclusions prévues par la loi » (pour la nullité prévue par l’article L. 113-8 du Code des assurances : C.Cass., Civ. 1ère, 1er Décembre 1993, n°89-12854).
Il faut également que l’assureur démontre que la clause a bien été porté à la connaissance de l’assuré.
La Cour de cassation a pu valider déjà antérieurement la technique du renvoi aux conditions générales, dont l’assuré est réputé avoir pris connaissance en signant les conditions particulières (C.Cass., Civ. 2ème, 13 Septembre 2018, n°17-23160 ; C.Cass., Civ. 2ème, 3 Mars 2011, n°10-11826).
Il n’est donc pas nécessaire d’exiger que les conditions générales portent la signature de l’assuré (C.Cass., Civ. 2ème, 13 Septembre 2018, n°17-23160) mais il faut apprécier la clause de renvoi aux Conditions Générales figurant dans les Conditions Particulières car la Cour de cassation a
- admis l’opposabilité des conditions générales pour un assuré qui avait apposé sa signature sous la mention dactylographiée du contrat selon laquelle « l’assuré reconnaît avoir reçu ce jour un exemplaire des conditions générales » (Cass., Civ. 2ème, 17 Janvier 2019, n°17-26750)
- a refusé l’opposabilité d’une clause d’exclusion figurant aux conditions générales car « l’assuré n’avait pas signé la deuxième page des conditions particulières qui seule renvoyait aux conditions générales, et que l’assureur n’établissait pas avoir porté à la connaissance de ce dernier la clause d’exclusion de garantie avant la survenance du sinistre » (Cass., Civ. 2ème, 6 Octobre 2011, n°10-15370).
Plus récemment, la Cour de cassation a admis que sont opposables à l’assuré les conditions générales dont il reconnaît avoir pris connaissance et qu’il a acceptées avant le sinistre, car la signature de l’assuré figurant en dernière page des conditions particulières, celui-ci avait eu connaissance des conditions générales et des annexes au moment de la signature du contrat d’assurance et les avait acceptées, même si le renvoi à ces documents était porté en 1ère page des conditions particulières (C.Cass., Civ. 3ème, 21 Septembre 2022, n° 21-21014).
Sur le fond, par application de l’article L. 113-1 du Code des assurances, pour être applicable, la clause d’exclusion doit être formelles et limitées, c’est-à-dire, selon la Cour de cassation
- qu’elles ne soient pas ambigües, et donc sujette à interprétation (Cass., Civ. 1ère, 22 mai 2001, n°99-10849: « une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée« )
- qu’elle ne doit pas vider la garantie souscrite de toute sa substance (Cass., Civ. 1ère, 14 janvier 1992, n°88-19313).
Ainsi, en matière de « RC produits », la Cour de cassation a pu considérer comme formelle et limitée la clause qui écarte toute prise en charge pour les « dommages matériels subis par les travaux, ouvrages ou parties d’ouvrages exécutés par l’assuré, par les objets fournis et mis en œuvre par lui, ainsi que les frais et dépenses engagées pour la réparation de ces dommages » (C.Cass., Civ. 3ème, 7 novembre 2019, 18-22033). Le 14 Février 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 14 février 2019, n° 18-11101), la 3ème Chambre civile avait adopté une position similaire concernant une clause excluant de toute garantie « le coût de la réfection des travaux, de la remise en état ou du remplacement des produits livrés ou ouvrages exécutés qui ont été à l’origine des dommages« , estimant que
- cette clause, claire et précise, laissant dans le champ de la garantie les dommages autres que ceux résultant des malfaçons affectant les ouvrages ou travaux,
- cette clause est donc est formelle et limitée.
De même, au titre des préjudices consécutifs, peuvent être validées des clauses excluant toute prise en charge au titre du préjudice de perte d’exploitation, comme le rappelle la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 6 Février 2020 (C.Cass., Civ. 2ème, 6 Février 2020, n° 18-25377).
De même, la 2ème Chambre civile a pu admettre que la clause selon laquelle sont exclues « les pertes indirectes de quelque nature que ce soit, manque à gagner et paralysies » définissant expressément ce qui relève du préjudice de pertes d’exploitation, est formelle et limitée (C.Cass., Civ. 2ème, 6 février 2020, n°18-25377).
En retour, la clause d’exclusion de garantie au titre du préjudice commercial, ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision, rendant nécessaire son interprétation (C.Cass., Civ. 2ème, 26 novembre 2020, n°19-16435).
L’arrêt du 3 Avril 2025 revient sur l’exclusion de garantie quant à la personne à l’origine du vol, lorsqu’il réside sous le tout de l’assuré (C.Cass., Civ. 2ème, 3 Avril 2025, n°23-20003), en matière d’assurances de bien.
Si l’article L. 121-2 du Code des assurances prévoit une garantie de l’assureur concernant les personnes dont il doit répondre en vertu de l’article 1242 du Code civil, depuis un revirement de jurisprudence intervenu par un arrêt du 5 Décembre 2000 (C.Cass., Civ 1ère, 5 Décembre 2000, n° 98-13052), la Cour de cassation considère que ces dispositions « n’ont vocation à s’appliquer que si un tiers a été victime du fait d’une personne dont l’assuré est civilement responsable« , de sorte qu’est admise la clause excluant toute prise en charge du préjudice matériel de l’assuré commis par
- une personne habitant sous le toit de l’assuré (Cass., Civ. 2ème, 4 Juillet 2007, n°06-16856)
- le conjoint de l’assuré (Cass., Civ. 1ère, 10 Juillet 2002, n°00-15482).
Par son arrêt du 3 Avril 2025, la Cour de cassation a l’occasion de confirmer sa jurisprudence, cette fois concernant le neveu de l’assuré :
- [P] a souscrit un contrat d’assurance automobile « tous risques » auprès de la société Suravenir assurances (l’assureur), pour garantir son véhicule.
- Dans la nuit du 15 au 16 mai 2018, les services de gendarmerie ont retrouvé ce véhicule accidenté.
- interpellé, le neveu de l’assuré a avoué avoir dérobé le véhicule à son oncle alors qu’il résidait chez ce dernier, et être le responsable de l’accident.
- [P] a déposé plainte contre son neveu et a déclaré le sinistre, mais l’assureur a refusé sa garantie en se prévalant de la clause d’exclusion stipulant que la garantie du vol ne couvre pas « les vols ou tentatives de vol commis par votre conjoint, vos ascendants, vos descendants ou autres personnes vivant sous votre toit (…) ».
- [P] a assigné l’assureur devant un tribunal de grande instance aux fins d’indemnisation et de paiement de dommages et intérêts pour refus abusif de prise en charge et résiliation abusive des polices d’assurance.
Par un arrêt en date du 29 Juin 2023, la Cour d’appel de MONTPELLIER a débouté l’assuré de sa demande de prise en charge du sinistre en application de la garantie pour vol de son véhicule et, en conséquence, de ses demandes de condamnation de l’assureur à lui verser la somme de 44 323,75 euros correspondant à la valeur du véhicule au jour du vol et celle de 3 000 euros au titre de son refus abusif de prise en charge du sinistre.
L’assuré a formé un pourvoi, soutenant que la notion « de vivre sous le même toit » était sujette à interprétation dans la mesure où la clause ne précise pas les critères relatifs à cette notion et notamment, le nombre de jours nécessaires pour qu’une personne soit considérée comme vivant sous le même toit de l’assuré.
Le moyen est écarté par la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation qui
- Rappelle qu’il résulte de l’article L. 113-1 du code des assurances qu’une clause d’exclusion n’est pas formelle lorsqu’elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation
- Qui retient qu’ayant « exactement relevé que la clause d’exclusion excluant les vols commis par une personne vivant sous le toit de l’assuré était précise, la cour d’appel, qui ne s’est livrée à aucune interprétation de cette clause, a retenu à bon droit qu’elle était formelle«
La clause était donc formelle et limitée, pouvant dès lors s’appliquer.
Il n’était donc pas nécessaire de définir le nombre de jours de résidence sous le même pseudo, probablement en raison de l’abondante jurisprudence applicable en la matière.