Si le sous-traitant est tenu d’une obligation de résultat, la Cour d’appel devait néanmoins rechercher si les documents produits par l’entreprise principale établissent que les dommages résultaient d’une prestation réalisée par le sous-traitant / fixation du point de départ du délai du recours en garantie au dernier rapport d’expertise indiquant à l’entreprise principale le montant total des sommes qu’elle aurait à avancer (C.Cass., Civ. 3ème, 27 Novembre 2025, n°23-22017)

S’il est acquis de longue date désormais que le sous-traitant est tenu vis-à-vis de l’entreprise principale d’une obligation de résultat, suffit-il pour autant de soutenir son intervention pour établir sa responsabilité ? De plus, hors expertise judiciaire, à quelle date le délai de prescription commence-t-il à courir contre l’entreprise principale pour agir contre son sous-traitant ?

C’est sur ces questions que permet de revenir la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 27 Novembre 2025 (C.Cass., Civ. 3ème, 27 Novembre 2025, n°23-22017) qui présente un intérêt pratique indéniable.

Sur le plan factuel et procédural, il convient de retenir que

  • la société Leroy Merlin France (entreprise principale) a confié à un sous-traitant, assuré auprès de la société MAAF assurances, des travaux de pose de poêles et d’inserts chez ses clients.
  • Au cours de l’année 2012, l’entreprise principale a mis en garde ses clients contre le danger que pouvait présenter l’utilisation des installations réalisées par son sous-traitant et a déclaré plusieurs sinistres auprès de son assureur.
  • Après plusieurs expertises amiables réalisées en 2013 et 2014, l’entreprise principale, soutenant que les désordres qui affectaient les installations réalisées par son sous-traitant étaient de nature décennale, de sorte qu’ils relevaient de la garantie de la société MAAF assurances, a, le 25 octobre 2017, assigné celle-ci en paiement de certaines sommes correspondant à celles versées à ses clients.

Par un arrêt en date du 19 Septembre 2023, la Cour d’appel de POITIERS a condamné la MAAF à indemniser écartant

  • Ecartant le moyen tiré de la prescription de l’action
  • Le moyen tiré de l’absence de preuve de l’imputabilité des désordres.

Le premier apport de l’arrêt du 27 Novembre 2025 concerne le point de départ du délai quinquennal du recours en garantie de l’entreprise principale, alors que celle-ci n’a pas été actionnée initialement dans un cadre contentieux.

La MAAF avait opposé la prescription quinquennale.

La Cour d’appel avait fixé le point de départ de la prescription à la date du   dernier des rapports d’expertise amiable du 6 janvier 2014, au motif que la société l’entrepreneuse principale n’avait été « pleinement informée des désordres imputables à son sous-traitant et du montant total des travaux de reprise qu’elle aurait à avancer qu’avec le dépôt de ce dernier rapport ».

Le grief est écarté par la Cour de cassation qui approuve la Cour d’appel d’avoir

  • énoncé, à bon droit, que l’action engagée par l’entreprise principale contre l’assureur du sous-traitant en paiement des sommes versées aux tiers lésés était soumise au délai quinquennal de prescription prévu à l’article 2224 du code civil,
  • souverainement retenu que ce n’était que par le dernier rapport d’expertise du 6 janvier 2014 qu’elle avait été pleinement informée du montant total des sommes qu’elle aurait à avancer,
  • exactement retenu que l’action formée le 25 octobre 2017 avait été introduite avant l’expiration du délai quinquennal de prescription.

L’application de la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil n’était pas discutée. Cet article énonce que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer« .

Restait à déterminer le point de départ. La Cour de cassation retient le dernier rapport amiable, qui permettait une connaissance suffisante tant sur les causes que, surtout, sur les préjudices en lien.

Elle approuve la Cour d’appel, retenant que celle-ci avait

  • énoncé, à bon droit, que l’action engagée par l’entreprise principale contre l’assureur du sous-traitant en paiement des sommes versées aux tiers lésés était soumise au délai quinquennal de prescription prévu à l’article 2224 du code civil, et souverainement retenu que ce n’était que par le dernier rapport d’expertise du 6 janvier 2014 qu’elle avait été pleinement informée du montant total des sommes qu’elle aurait à avancer,
  • exactement retenu que l’action formée le 25 octobre 2017 avait été introduite avant l’expiration du délai quinquennal de prescription.

Une jurisprudence abondante existe déjà en matière de garantie des vices cachés et le point de départ de la prescription biennale, avec notamment un arrêt du 17 Juin 2009 de la 3ème Chambre civile, prenant en compte le rapport d’expertise d’un assureur pour faire partir le délai de prescription (C.Cass., Civ. 3ème, 17 Juin 2009, n°08-15503).

Aucune action n’avait été engagée par les maîtres d’ouvrages lésés. Le revirement de jurisprudence du 14 Décembre 2022 n’était donc d’aucune utilité. Autrement, le point de départ du recours aurait été fixé à la date de l’assignation au fond, sauf si l’assignation en référé contenait une demande de reconnaissance d’un droit, tel une demande de provision (Cass., Civ. 3ème, 14 Décembre 2022, n°21-21305 ) et comme cela est ressorti précisément d’un arrêt plus récent de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 30 Janvier 2025 (C.Cass., Civ. 3ème, 30 Janvier 20205, n°23-16768), concernant le recours de l’entreprise principale contre son sous-traitant.

Le second apport de l’arrêt du 27 Novembre 2025 a traité à l’obligation de résultat.

Tenu par un lien contractuel avec l’entreprise principale, qui ne peut avoir la qualité de maître d’ouvrage, le sous-traitant n’est pas soumis au régime de la responsabilité décennale (C.Cass., Civ. 3ème, 10 Janvier 2001, n°99-11374). Seule sa responsabilité contractuelle est susceptible d’être invoquée par l’entreprise principale, sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil. Dans ce cadre, le sous-traitant est tenu

Pour condamner la MAAF, ès qualité d’assureur du sous-traitant, à indemniser l’entreprise principale, la Cour d’appel avait retenu que « les rapports d’expertise qui se corroborent entre eux, et qui sont encore corroborés par les courriers de réclamation de clients, les transactions avec certains de ces derniers et l’absence de réclamation postérieure aux travaux de reprise établissent le manquement du sous-traitant à son obligation de résultat ».

Or, sous le visa de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 455 du code de procédure civile, la Cour de cassation rappelle que

  • selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l’inexécution de son obligation.
  • en application du second, la cour d’appel qui infirme un jugement doit réfuter les motifs des premiers juges par des motifs propres, en eux même ou explicitement, contraires à ceux du jugement.

avant de censurer la Cour d’appel pour avoir condamné l’assureur « sans rechercher, comme il le lui incombait, si les documents produits par l’entreprise principale établissaient que les dommages résultaient d’une prestation réalisée par le sous-traitant, ni réfuter les motifs contraires du jugement« .

Ainsi, pour chaque intervention d’un sous-traitant, il est impératif de rechercher laquelle de ses prestations est en lien avec le désordre dénoncé, ce qui revient à établir une imputabilité. Cette preuve sera cependant facilitée si les travaux ont été sous-traités en totalité.

Il est donc important de débattre de ces questions dans chaque instance engagée, et, comme bien souvent, dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire qui les précèdent.

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