Pièges et chausse-trappes de l’interruption du délai d’épreuve décennal ou la nécessité d’être vigilant dans la délivrance d’une assignation (C.Cass, Civ. 3ème, 21 mars 2019, pourvoi n° 17-28021)

Prescription et forclusion sont des pièges redoutables dans une procédure. Tout demandeur doit surveiller scrupuleusement l’écoulement des différents délais, et en assurer une bonne computation, avant de veiller à bien les interrompre.

L’arrêt prononcé le 21 Mars 2019 par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°17-28021)  aborde plusieurs points dont deux qui doivent retenir l’attention.

Le premier point concerne l’interruption du délai de prescription décennal par un Syndicat de copropriété.

En vertu des dispositions combinées de l’article 18 de la Loi n° 65-557 du 10 Juillet 1965 et de l’article 55 du Décret n° 67-223 du 17 Mars 1967, le Syndicat des copropriétaires doit être représenté par son Syndic pour agir en justice.

Le Syndicat des copropriétaires doit habiliter son Syndic, par une délibération donnant à ce dernier, tant mandat de solliciter un avocat pour intenter une action en justice que décrivant de façon précise les désordres qui seront objet de la procédure.

Dans un arrêt en date du 15 Novembre 2018, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation avait déjà rappelé l’exigence de précision dans cette habilitation (C. Cass., Civ. 2ème, 15 Novembre 2018, pourvoi n° 17-50051) :

« Vu les articles 18 de la loi du 10 juillet 1965 et 55 du décret du 17 mars 1967 ;

Attendu que, pour déclarer recevable l’action du syndicat des copropriétaires, l’arrêt retient qu’il a été autorisé, par une décision prise lors de l’assemblée générale du 6 février 2016, à agir en justice aux fins d’indemnisation du préjudice subi par la copropriété et différents copropriétaires ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette décision, qui donnait mandat à un avocat d’intenter une action en justice, habilitait le syndic à représenter le syndicat des copropriétaires dans cette instance et énonçait de façon précise les désordres, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »

Ici, la 3ème Chambre civile souligne que chaque désordre dénoncé doit être visée dans l’habilitation initiale donnée au Syndic, et qu’en cas d’oubli, une régularisation n’est possible qu’à la condition qu’une résolution soit votée avant l’expiration du délai d’épreuve décennal :

« Attendu que, pour déclarer recevable l’action du syndicat des copropriétaires au titre du désordre affectant les seuils des portes-fenêtres contre la société A. et la condamner à lui payer diverses sommes, l’arrêt retient que l’habilitation initiale, donnée au syndic le 13 avril 2002, ne faisait pas état de ce désordre, mais que la résolution votée lors de l’assemblée générale du 14 décembre 2013, réitérant la première habilitation et la complétant, avait permis de régulariser postérieurement la procédure diligentée par le syndicat des copropriétaires ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la régularisation de l’habilitation du syndic était intervenue avant l’expiration du délai décennal pour agir sur le fondement de l’article 1792 du code civil, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »

Dès lors, le Syndicat de copropriété pourrait être rattrapé bien des années après par un éventuel oubli au moment où il préparait sa demande la demande d’expertise judiciaire en référé.

 

Le deuxième point concerne l’absence d’effet erga omnes de l’assignation en référé aux fins d’extension.

En l’espèce, le syndicat de copropriété maître d’ouvrage avait assigné en référé les assureurs dommages-ouvrage. Fort logiquement, ceux-ci avaient ensuite fait procéder à la délivrance d’assignation en extension aux locateurs d’ouvrage, et à leurs assureurs, dénonçant l’assignation en référé reçue des maîtres d’ouvrage. Les assureurs DO préservaient ainsi leurs propres recours.

Postérieurement, le SDC engage une action au fond directement contre ces locateurs d’ouvrage et leurs assureurs.

Les assureurs opposent l’absence d’interruption de la prescription et donc la prescription des demandes.

La Cour d’appel rejette leur argumentation et les condamne à payer diverses sommes, estimant l’action du SDC recevable au motif que « l’effet interruptif de l’assignation en référé délivrée par le syndicat des copropriétaires aux assureurs dommages-ouvrage et de l’assignation en extension des mesures d’instruction délivrée par ceux-ci aux intervenants à la construction et à leurs assureurs, lesquelles tendent aux mêmes fins et au même but, doit s’étendre à toutes les parties assignées en extension des opérations d’expertise« .

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation censure l’arrêt à ce titre en indiquant que « pour être interruptive de prescription, l’assignation doit être adressée à celui que l’on veut empêcher de prescrire et que celle délivrée par l’assureur dommages-ouvrage aux intervenants à la construction et à leurs assureurs n’est pas interruptive de prescription au profit du maître de l’ouvrage qui n’a assigné en référé expertise que l’assureur dommages-ouvrage« .

Il s’agit d’un arrêt de confirmation, la 3ème Chambre civile ayant déjà statué en ce sens par un arrêt du 29 Octobre 2015 (C. Cass., Civ. 3ème, 29 Octobre 2015, pourvoi n° 14-24771).

Il ne faut donc pas compter sur les autres pour interrompre les délais à son profit…

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