La majoration du dépôt de garantie restant dû à défaut de restitution dans les délais prévus, applicable en vertu du 7ème alinéa de l’article 22 de la Loi du 6 Juillet 1989, est conforme à la Constitution

Par une décision en date du 22 Février 2019 (n° 2018-766 QPC), le Conseil constitutionnel a été saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) relative à la majoration du dépôt de garantie prévu à l’article 22 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 198, dans sa rédaction issue de la Loi du 24 Mars 2014, dont le 7ème alinéa prévoit une sanction en cas de retard lors de la restitution.

 

A titre liminaire, il sera utilement rappelé que :

  • Ce dépôt de garantie est facultatif
  • Son montant ne peut excéder l’équivalent d’un mois de loyer
  • Il ne peut y avoir de dépôt de garantie exigible lorsque le loyer est payable d’avance pour une période supérieure à deux mois.

 

Surtout, source de contentieux, se pose la question du délai de restitution de ce dépôt de garantie. Plusieurs hypothèses doivent être distinguées :

  • Un délai de 2 mois court à compter de la remise des clés au bailleur ou à son mandataire (étant précisé que l’agence immobilière doit avoir mandat pour gérer la location du bien, et non pas seulement le mettre en location, pour que cette remise soit valable : Cass., Civ. 3ème, 13 Novembre 1997, pourvoi n° 96-11493). Le dépôt de garantie doit être restitué, sous déduction éventuellement « des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire« . Il revient au bailleur de justifier ces montants et son calcul.
  • Un délai réduit de 1 mois est prévu « lorsque l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée« , sous la même déduction le cas échéant que celle précédemment évoquée
  • Lorsque le bien donné à bail se situe dans un immeuble collectif, le bailleur procède à « un arrêté des comptes provisoire et peut, lorsqu’elle est dûment justifiée, conserver une provision ne pouvant excéder 20 % du montant du dépôt de garantie jusqu’à l’arrêté annuel des comptes de l’immeuble« . Une somme équivalente à 80 % du dépôt de garantie doit alors être restituée immédiatement, le sort des 20 % étant suspendu à l’arrêté annuel définitif des comptes de l’immeuble. Une fois ceux-ci connu, c’est dans un délai d’1 mois que devra intervenir la restitution des 20 % restant, sous déduction là encore des sommes dues par le locataire, et dument justifiées.

 

Si le bailleur ne respecte pas ces délais, il s’expose à la sanction prévue par l’alinéa 7 de l’article 22 de la Loi du 6 Juillet 1989 : « A défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard« .

Même si elle ne peut se cumuler avec les intérêts moratoires prévus à l’article 1231-6 du Code civil), la somme peut donc rapidement connaitre une inflation importante.

 

Cette sanction ne trouve pas à s’appliquer lorsque le locataire n’a pas transmis sa nouvelle adresse.

 

Le Conseil Constitutionnel, saisi par la Cour de cassation dans le cadre d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a été amené à se pencher sur la conformité de cette sanction à la Constitution.

 

La requérante estimait que cette majoration était disproportionnée et ne tiendrait pas compte du préjudice réellement subi par le locataire, portant ainsi atteinte au droit de propriété.

 

Après avoir rappelé le contenu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (« la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée« ), le Conseil constitutionnel rappelle que

  • ces dispositions s’appliquent aux peines prononcées par les juridictions répressives (i.e. les amendes essentiellement) mais « aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition« 
  • le législateur peut apporter des limitations aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées, si ces limitations sont liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, et à la condition qu’elles restent proportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

 

En l’espèce, le Conseil constitutionnel rappelle que la majoration prévue à l’article 22 de la Loi du 6 Juillet 1989

  • a pour objectif de « compenser le préjudice résultant pour le locataire du défaut ou du retard de restitution du dépôt de garantie et favoriser ainsi un règlement rapide des nombreux contentieux qui en découlent« . Puis il considère que :
  • est en lien avec « l’ampleur du préjudice, dans la mesure où le montant du loyer mensuel est pris pour référence comme plafond du dépôt de garantie, et a pris en compte la durée de ce préjudice« 

 

Il en déduit alors que :

  • la majoration prévue a un caractère indemnitaire et non le caractère d’une sanction, écartant ainsi l’application de l’article 8 de la DDHC
  • il n’y a pas d’atteinte au droit de propriété au vu des objectifs poursuivis et de la proportion mise en place.

 

La majoration prévue au 7ème alinéa de l’article 22 de la Loi du 6 Juillet 1989 est donc conforme à la Constitution, et doit dès lors continuer à s’appliquer.

 

Le bailleur devra donc faire preuve de vigilance, tant dans la computation des délais et que dans la justification des sommes qu’il entend déduire.

 

Il convient par ailleurs de préciser à cette occasion que la Cour de cassation a pu, pour sa part, préciser que :

  • Les dispositions de la Loi du 24 Mars 2014 régissent immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, de sorte que la majoration prévue a vocation à s’appliquer aussi aux contrats de location conclus avant le 24 Mars 2014 (en ce sens : Cass., Civ. 3ème, 17 Novembre 2016, pourvoi n° 15-24552)
  • Les Juridictions du fond doivent veiller à bien distinguer les hypothèses dans lesquelles s’applique le point de départ spécifique prévu au 5ème alinéa de l’article 22 de la Loi du 6 Juillet 1989, concernant les immeubles collectifs : le point de départ du délai courant pour la restitution du solde débute alors 1 mois après l’approbation définitive des comptes de l’immeuble. Ce n’est qu’après l’expiration de ce délai que seront comptabilisées les majorations prévues au 7ème alinéa, sous déduction des sommes dues par le locataire, et sauf à ce que celles-ci ne soient pas inférieures aux sommes revenant au bailleur ( Cass., Civ. 3ème, 31 Mai 2018, pourvoi n° 17-18069)

 

Pour sa part, l’ancien locataire estimant être créancier d’une restitution de dépôt de garantie devra faire preuve de diligence puisque sa créance sera prescrite à l’expiration d’un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle ce dépôt de garantie est devenu exigible, en vertu de l’article 7-1 de la Loi du 6 Juillet 1989.

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