La clause insérée dans l’acte de vente qui a pour effet d’exclure la garantie décennale du constructeur doit être réputée non écrite (C.Cass., Civ. 3ème, 19 Mars 2020, n°18-22983)

Par le jeu de la liberté contractuelle, les parties peuvent décider d’inclure et d’exclure des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité.

Il peut être convenu d’exclure toute responsabilité in solidum du maître d’œuvre

Il peut également être stipulé une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle instituant une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers. Cette fin de non-recevoir n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance (C.Cass., Ch. Mixte, 12 décembre 2014, n°13-19684). Là encore, les parties décident de limiter la recherche de responsabilité.

Cependant, ces aménagements ne sont pas illimités.

L’article 1792-5 du Code civil énonce en effet que « toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d’exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d’en limiter la portée, soit d’écarter ou de limiter la solidarité prévue à l’article 1792-4, est réputée non écrite« .

L’objectif est de favoriser une indemnisation optimale du maître d’ouvrage.

Dans ces conditions, dès lors que la responsabilité du constructeur (au sens de l’article 1792-1 du Code civil) est engagée sur le fondement décennal, sont privées d’effet :

L’arrêt publié de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (C.Cass., Civ. 3ème, 19 Mars 2020, n°18-22983) représente une nouvelle application de l’article 1792-5 du Code civil.

En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que

  • Propriétaire d’une maison d’habitation, Monsieur et Madame E. ont fait réaliser une filière d’assainissement par Monsieur T.
  • Monsieur et Madame E. ont postérieurement vendu cette maison à Monsieur et Madame S.
  • Il était stipulé dans l’acte notarié que le bien était raccordé à un système d’assainissement individuel en bon état de fonctionnement et que l’acquéreur prenait acte de cette situation et voulait en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque. La clause était ainsi libellée : « LE VENDEUR déclare que LE BIEN objet des présentes n’est pas desservi par un réseau d’assainissement communal, cependant qu’il précise qu’il est raccordé à un système d’assainissement individuel./ LE VENDEUR déclare que le réseau d’assainissement utilisé n’a fait l’objet d’aucun contrôle de conformité, mais il déclare que l’installation est en bon état de fonctionnement./ L’ACQUEREUR déclare prendre acte de cette situation et vouloir en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque./ Le notaire rappelle à L’ACQUEREUR que la desserte du BIEN vendu par un réseau collectif d’assainissement l’oblige à se raccorder à ce réseau dans un délai de deux ans à compter de l’achèvement de la construction de ce réseau./ A défaut de régularisation, l’administration peut mettre en demeure le propriétaire de régulariser cette situation, et de l’astreindre au paiement d’une redevance jusqu’à la mise en conformité« 
  • et Mme E., ayant constaté des dysfonctionnements du réseau d’assainissement, ont, après expertise, assigné en indemnisation sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, M. T…, qui avait réalisé l’assainissement.

Par un arrêt en date du 7 Juin 2018, la Cour d’appel d’AMIENS a déclaré irrecevable la demande des Epoux E. contre Monsieur T, estimant que

  • le litige porte sur le système d’assainissement installé par M. T…
  • il résulte des termes de l’acte de vente conclu entre M. et Mme S… et M. et Mme E… que les parties ont entendu exclure tout recours contre quiconque de la part des acquéreurs concernant le raccordement au réseau d’assainissement.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation sous le visa de l’article 1792-5 du Code civil, qui en rappelle l’énoncé, estimant que « la clause dont [la Cour d’appel] a fait application avait pour effet d’exclure la garantie décennale des constructeurs et devait, par suite, être réputée non écrite« .

Pour le maître d’ouvrage, il s’agira d’un intérêt supplémentaire pour obtenir la qualification décennale. Pour les constructeurs (y compris le constructeur vendeur), ce sera un point supplémentaire de vigilance.

Enfin, à titre de conclusion, il sera précisé que le droit administratif se révèle, partiellement, plus tolérant :

  • si les articles L. 2131-10, L. 3132-4 et L. 4142-4 du Code général des collectivités territoriales prohibent respectivement aux communes, départements et régions de prendre des délibérations tendant à renoncer directement ou par une clause contractuelle à renoncer à exercer un recours
  • de telles clauses peuvent être insérer avec l’Etat et ses établissements publics (CE, 12 juin 1987, n°42831).

Néanmoins, le Conseil d’Etat accepte que soient insérées, avec les communes, départements et régions, ainsi que leurs établissements, des clauses limitatives de responsabilités, tant que celles-ci n’ont pas « un contenu et une portée dont le rapprochement avec les autres éléments pertinents de l’économie du contrat ferait apparaître qu’elles auraient été conçues pour produire un effet voisin de celui d’une clause de renonciation » (CE, 28 janvier 1998, n°138650).

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