La Cour de cassation maintient une exigence toujours aussi élevée s’agissant de la prescription biennale et son opposabilité à l’assuré, comme le confirme son arrêt du 3 Avril 2025 (C.Cass., Civ. 2ème, 3 Avril 2025, n°23-19677).
Après avoir indiqué qu’il incombe à l’assureur de prouver qu’il a bien rappelé à l’assuré au travers de la police souscrite les dispositions relatives à la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance (C.Cass., Civ.2ème, 18 Avril 2019, pourvoi n° 18-13938), la Cour de cassation vient rappeler le contenu des informations devant figurer dans le contrat d’assurance souscrit par l’assuré.
Les actions dérivant du contrat d’assurance se prescrivent en principe dans un délai de 2 ans à compter de la survenance du dommage en application de l’article L. 114-1 du Code des assurances.
L’article R. 112-1 du Code des assurances précisent que les polices d’assurance « doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant […] la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance« .
La Cour de cassation a durci depuis 2005 les conditions d’opposabilité de la prescription biennale, en refusant à l’assureur la possibilité d’opposer à l’assuré la prescription biennale si la police souscrite ne rappelle pas les dispositions relatives à la prescription du contrat d’assurance (C.Cass., Civ.2ème, 2 juin 2005, pourvoi n°03-11871), ou encore si les différents points de départ du délai de la prescription biennale n’étaient pas rappelées (C. Cass., Civ.2ème, 28 avril 2011, pourvoi n°10-16403).
La Cour de cassation a encore durci ensuite sa position en déclarant inopposable la prescription biennale lorsque le contrat d’assurance ne rappelait pas, en outre, « les causes ordinaires d’interruption de la prescription » (C. Cass., Civ.2ème, 18 avril 2013, pourvoi n°12-19519). La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a suivi la 2ème Chambre sur cette position (C.Cass., Civ.3ème, 26 Novembre 2015, pourvoi n° 14-23863).
Ces jurisprudences, de par leur effet rétroactif (application à des polices anciennes alors qu’à l’époque de leur édition, la Cour n’avait pas de telles exigences), ont poussé les assureurs à réagir et à modifier leurs contrats.
C’est à l’assureur de rapporter la preuve de la bonne information de l’assurée car la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a refusé l’opposabilité de la prescription biennale au motif que ce délai « n’était pas rappelé dans les conditions particulières de la police signées par le souscripteur » (C. Cass., Civ.3ème, 20 octobre 2016, pourvoi n°15-18418).
En 2024, par un arrêt en date du 7 Novembre 2024 (C.Cass., Civ. 2ème, 7 Novembre 2024, n°23-12.427), la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation avait estimé que clause des conditions générales du contrat, portées à la connaissance de l’assuré, renvoie expressément à l’article L. 114-1 du code des assurances, est insuffisante pour « établir que les différents points de départ de la prescription biennale prévus par l’article L. 114-1 du code des assurances étaient énoncés, de manière exhaustive, dans le contrat d’assurance« .
Dans l’arrêt du 3 Avril 2025, les données factuelles étaient les suivantes :
- [Y] était propriétaire d’un immeuble à usage commercial et d’habitation, assuré par les MMA
- à la suite d’un incendie ayant endommagé cet immeuble le 26 novembre 2005, M. [Y] a déclaré le sinistre à l’assureur
- l’assureur ayant dénié sa garantie, M. [Y] a assigné la société MMA IARD le 7 mai 2020 en exécution du contrat devant un tribunal judiciaire.
Par un arrêt en date du 13 Juin 2023, la Cour d’appel d’ANGERS a déclaré irrecevables les demandes de M. [Y] comme étant prescrites, retenant que
- si ce dernier conteste l’application du délai biennal de prescription visé à l’article L. 114-1 du code des assurances, il se contredit en en sollicitant lui-même l’application dès lors qu’il invoque les causes d’interruption du délai de prescription exclusivement attachées à cette prescription.
- il ne justifie d’aucun acte interruptif du délai de prescription prévu par l’article L. 114-1 précité pendant une période de deux années révolues entre février 2008 et février 2010, ni d’aucun acte interruptif du délai de prescription de droit commun, entre 2005 et 2020.
Monsieur [Y] a formé un pourvoi.
Sous le visa de l’article R. 112-1 du Code des assurances, la 2ème Chambre civile
- rappelle que selon ce texte, les polices d’assurance doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance.
- Reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherchée, comme il le lui était demandé, si le contrat d’assurance répondait aux exigences de l’article R. 112-1 du code des assurances, s’agissant du rappel des dispositions concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance, de sorte qu’elle a privé sa décision de base légale.
Dès lors, devant la Cour de renvoi, il convient de vérifier si le contrat d’assurance répond aux exigences de l’article R. 112-1 du Code des assurances. A défaut, la prescription ne pourra être opposée.
Concernant l’interruption de la prescription biennale, il est nécessaire que soit visée la possibilité d’interrompre par l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception électronique, conformément aux dispositions de l’article L. 114-2 du Code des assurances dans sa rédaction issue de l’Ordonnance du 2 Octobre 2017 (Ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017).