Infection nosocomiale contractée à l’occasion d’une opération elle-même consécutive à une chute subie dans un établissement de santé : possible action récursoire de l’ONIAM (CE, 12 Février 2020, n° 421483)

L’un des (nombreux) apports de la Loi du 4 Mars 2002 a été de prévoir l’intervention de la solidarité nationale pour les infections nosocomiales, avec l’article L. 1142-1, II du Code de la santé publique via l’ONIAM (Office Nationale d’Indemnisation des Accidents Médicaux). Le rôle de celui-ci a été renforcé par la Loi du 30 Décembre 2002, avec l’insertion de l’article L. 1142-1-1 du Code de la santé publique.

La responsabilité pour faute des établissements de santé en cas d’infection nosocomiale ne doit cependant pas être occultée par l’intervention de l’ONIAM, qui dispose de la faculté de former une action récursoire contre ceux-ci.

L’ONIAM peut ainsi se retourner contre l’établissement de santé fautif :

  • Soit en cas de silence ou refus d’indemniser de l’assureur de l’établissement fautif, avec, en guise de pénalités, une majoration de 15 %, conformément à l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique
  • Soit après avoir transigé avec la victime à l’issue d’une procédure menée devant la Commission régionale, conformément au dernier alinéa de l’article L. 1142-17 du Code de la santé publique : « Si l’office qui a transigé avec la victime estime que la responsabilité d’un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de produits de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 1142-14 est engagée, il dispose d’une action subrogatoire contre celui-ci. Cette action subrogatoire ne peut être exercée par l’office lorsque les dommages sont indemnisés au titre de l’article L. 1142-1-1, sauf en cas de faute établie de l’assuré à l’origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales« 
  • Soit durant une instance juridictionnelle : « Lorsque la juridiction compétente, saisie d’une demande d’indemnisation des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l’article L. 1142-1 ou au titre de l’article L. 1142-1-1, l’office est appelé en la cause s’il ne l’avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. Lorsqu’il résulte de la décision du juge que l’office indemnise la victime ou ses ayants droit au titre de l’article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l’établissement de santé, le service ou l’organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à l’origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales (…)« 

Cette action récursoire ne peut donc être exercée qu’à la condition que soit rapportée la preuve d’une faute de l’établissement de santé dans la survenance du dommage. Le Code de la santé publique envisage plus spécifiquement un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.

Par son arrêt du 14 Février 2020, le Conseil d’Etat vient rappeler que cette notion de faute doit être entendue au sens large (CE, 12 Février 2020, n° 421483).

En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que :

  • Mme A…, qui était hospitalisée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, a été victime, en tombant de son lit, d’une luxation de l’épaule qui a nécessité une intervention chirurgicale, au cours de laquelle elle a contracté une infection à staphylocoque
  • Elle a conservé, après sa guérison, des séquelles fonctionnelles entraînant un déficit fonctionnel permanent évalué à 40 %.
  • Saisie par l’intéressée, la commission de conciliation et d’indemnisation des Pays de la Loire a rendu le 9 février 2011 un avis selon lequel la chute de la patiente était imputable à un défaut de surveillance fautif.
  • L’assureur du CHU de Nantes ayant refusé de suivre cet avis et de faire une proposition d’indemnisation à Mme A…, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s’est substitué à lui et a conclu un protocole d’indemnisation amiable avec l’intéressée le 26 octobre 2012 pour un montant total de 160 635,53 euros.
  • Subrogé dans les droits de Mme A… à concurrence de cette somme en vertu des dispositions de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, l’ONIAM a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le CHU de Nantes à lui rembourser la somme en cause et à lui verser une pénalité correspondant à 15 % de cette même somme, soit 24 095,32 euros.
  • La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours.

Par un jugement du 11 mai 2016, le tribunal administratif a condamné le CHU de Nantes à verser à l’ONIAM et à la caisse primaire des indemnités couvrant les préjudices subis par la victime du seul fait de sa luxation de l’épaule et rejeté les demandes indemnitaires résultant de l’infection nosocomiale.

Par un arrêt du 13 avril 2018, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par l’ONIAM ainsi que les conclusions d’appel provoqué présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique contre ce jugement.

L’ONIAM a formé un pourvoi contre cet arrêt, estimant disposer d’un recours pour la totalité des sommes versées et non uniquement celles imputables à la luxation de l’épaule.

En vertu des dispositions du 2nd alinéa du I de l’article L. 1142-1, de l’article L. 1142-1-1 et de l’article L. 1142-21 du Code de la santé publique, le Conseil d’Etat va énoncer qu’il « résulte de ces dispositions que la responsabilité d’un établissement de santé au titre d’une infection nosocomiale ayant entraîné des conséquences répondant aux conditions de l’article L. 1142-1-1 ne peut être recherchée, par la victime elle-même ou ses subrogés ou par l’ONIAM dans le cadre d’une action récursoire, qu’à raison d’une faute établie à l’origine du dommage« .

Puis le Conseil d’Etat va reprocher à la Cour administrative d’appel de NANTES d’avoir inexactement qualifié les faits de l’espèce :

  • En rappelant que Mme A… a contracté, lors de sa prise en charge au CHU de Nantes en 2008, une infection à staphylocoque qui a pour origine une intervention chirurgicale rendue nécessaire par une récidive de la luxation de l’épaule dont elle a été victime à la suite d’une chute survenue dans cet établissement.
  • Constatant que dire que la responsabilité du CHU de Nantes n’était pas engagée à raison des conséquences dommageables de l’infection nosocomiale contractée par Mme A… dans cet établissement, la Cour administrative cour a retenu que, si la chute de Mme A… était imputable à un manquement fautif de l’établissement à son devoir de surveillance, il n’existait pas, pour autant, de lien de causalité suffisamment direct entre cette faute et l’infection nosocomiale contractée par l’intéressée.
  • En estimant qu’il était constant que l’infection avait été contractée au cours d’une intervention rendue nécessaire par la blessure causée par la chute de Mme A….

Dès lors, la responsabilité de l’établissement de santé est engagée, non pas pour une faute dans la prévention des infections nosocomiales, mais pour avoir commis une faute qui a entrainé la nécessité d’une intervention chirurgicale, qui a elle-même permis l’infection nosocomiale. Le Conseil d’Etat penche en faveur de l’infection nosocomiale.

La possibilité de recours de l’ONIAM s’en trouve élargie.

Le Juge judiciaire s’était montré de son côté plus restrictif en refusant à l’ONIAM la possibilité de former cette action récursoire tirée de l’article L. 1142-21 du Code de la santé publique, en cas de manquement du manquement à son devoir d’information (C.Cass., Civ. 1ère, 18 décembre 2014, n°13-21019).

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