Il résulte des articles 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 14, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que les parties à un contrat de sous-traitance peuvent convenir que celui-ci ne sera formé ou ne prendra effet qu’à compter de la date à laquelle le sous-traitant sera agréé par le maître de l’ouvrage et ses conditions de paiement par lui acceptées. Dans ce cas, l’existence d’une délégation de paiement du maître de l’ouvrage au bénéfice du sous-traitant ou la délivrance par l’entrepreneur principal d’un engagement de caution à son profit à la date de l’agrément du sous-traitant et de l’acceptation de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage est exclusive de la nullité du sous-traité, sauf commencement des travaux du sous-traitant antérieur à l’obtention de ces garanties (C.Cass., Civ. 3ème, 30 Avril 2025, n°23-19086).

Par un arrêt publié le 30 Avril 2025 (C.Cass., Civ. 3ème, 30 Avril 2025, n°23-19086), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a apporté des précisions utiles concernant le contrat de sous-traitance et les conditions de sa nullité en cas de défaut de délégation de paiement ou de fourniture d’une caution, confirmant une solution déjà exprimée le 22 Octobre 2013 mais par un arrêt inédit (C.Cass., Civ. 3ème, 22 Octobre 2013, n°12-26250).

Cette décision doit attirer l’attention de chaque entreprise amenée à intervenir comme sous-traitante pour préserver ses intérêts financiers.

La Loi n°75-1334 du 31 Décembre 1975 relative à la sous-traitance définit celle-ci à son article 1er comme « l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage« .

La qualification de contrat de sous-traitance entraine d’importantes conséquences, avec une protection importante envers le sous-traitant, afin de préserver le paiement de ses travaux. Pour garantir cette protection, la Loi du 31 Décembre 1975 rappelle à plusieurs reprises qu’elle est d’ordre public.

L’article 3 de la Loi du 31 Décembre 1975 prévoit à son alinéa 1er :

« L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage ; l’entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande »

Le principe est donc :

  • Une acceptation du sous-traitant
  • Un agrément de ses conditions de paiement

par le maître d’ouvrage.

En vertu de l’article 14 de la Loi du 31 Décembre 1975, le paiement des sommes dues au sous-traitant doivent être garanties :

  • Soit par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié
  • Soit par une délégation de paiement des sommes dues par le maître d’ouvrage au profit du sous-traitant, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

Le maître d’ouvrage, qui a connaissance de l’intervention du sous-traitant, est tenu à des obligations car l’article 14-1 de la Loi du 31 Décembre 1975 prévoit

« Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

  • le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ;
  • si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution« 

Ainsi, le maître d’ouvrage doit mettre en demeure l’entreprise principale de présenter son sous-traitant et de faire agréer ses conditions de paiement. La Cour de cassation insiste sur ses obligations, ayant déjà énoncé « qu’il appartient au maître de l’ouvrage de veiller à l’efficacité des mesures qu’il met en œuvre pour satisfaire aux obligations mises à sa charge par l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 » (C.Cass., Civ. 3ème, 21 Novembre 2012, n°11-25101).

A défaut, il engage sa responsabilité délictuelle (C.Cass., Civ. 3ème, 10 Janvier 2001, n°99-12836) et son préjudice « s’apprécie au regard de ce que le maître d’ouvrage restait devoir à l’entrepreneur principal à la date à laquelle il a eu connaissance de la présence de celui-ci sur le chantier ou des sommes qui ont été versées à l’entreprise principale postérieurement à cette date » (C.Cass., Civ. 3ème, 7 mars 2024, n°22-23309 ; C.Cass., Civ. 3ème, 18 Janvier 2024, n°22-20995).

Autre sanction, l’article 14 de la Loi du 31 Décembre 1975 prévoit qu’à peine de nullité du sous-traité « les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié« , sauf en cas de délégation de paiement.

L’arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation revient sur l’application de cette nullité, et plus précisément, l’appréciation de la date à laquelle la nullité est encourue.

Plusieurs arrêts avaient posé le principe que l’acte de cautionnement doit être fourni au moment de la signature du contrat de sous-traitance (C.Cass., Com., 12 Juillet 2005, n°02-16048).

Ainsi, la fourniture d’un cautionnement bancaire intervenu postérieurement à la conclusion du sous-traité, celui-ci était donc nul, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (C.Cass., Civ. 3ème, 21 Janvier 2021, n°19-22219) soulignant que

« 5. L’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose qu’à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant en application de ce sous-traité sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié et agréé.

  1. Il résulte de cette disposition, qui trouve sa justification dans l’intérêt général de protection du sous-traitant, que l’entrepreneur principal doit fournir la caution avant la conclusion du sous-traité et, si le commencement d’exécution des travaux lui est antérieur, avant celui-ci« 

Prudence cependant pour le sous-traitant néanmoins car il s’agit d’une nullité relative, susceptible d’être couverte par une exécution volontaire du contrat de sous-traitance « en connaissance de la cause de nullité du contrat tenant à l’absence de délivrance de la caution » (C.Cass., Civ. 3ème, 23 Novembre 2023, n°22-21463).

En outre, est-il possible de décaler contractuellement dans le temps la fourniture de la caution ?

Déjà, par un arrêt en date du 22 Octobre 2013 (C.Cass., Civ. 3ème, 22 Octobre 2013, n°12-26250), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a écarté la nullité car la caution avait été valablement fournie en prenant en compte, non pas la date du contrat de sous-traité, mais la prise d’effet « au jour de la caution fournie pour le montant exact du marché et prorogée jusqu’à la réception des travaux, la cour d’appel » :

« Mais attendu qu’ayant constaté que le contrat de sous-traitance prenait effet au jour de la caution fournie pour le montant exact du marché et prorogée jusqu’à la réception des travaux, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, abstraction faite d’un motif surabondant relatif à la caducité, retenir que la caution avait été valablement fournie et que, les parties n’ayant pas convenu de son extension aux travaux supplémentaires commandés, cette caution, qui ne constituait pas le seul mode de garantie possible, ne s’appliquait pas à ces travaux »

Ainsi, il serait possible d’aménager contractuellement la date de prise d’effet du contrat de sous-traité, ce qui décalerait d’autant dans le temps la date à laquelle l’existence d’une délégation de paiement ou d’une caution bancaire doit être appréciée ? La Cour de cassation vient de répondre par l’affirmative, écartant la demande de nullité présentée par le sous-traitant.

Sur le plan factuel et procédural, il convient de retenir que

  • à l’occasion d’une opération de construction de logements, le maître de l’ouvrage a conclu un marché tous corps d’état avec la société Fayat bâtiment, laquelle a, par acte du 24 octobre 2017, sous-traité le lot « voies et réseaux divers (VRD) et espaces verts » à la société Viater
  • le contrat de sous-traitance conclu le 24 Octobre 2017 prévoyait notamment que ce contrat n’était valable qu’après acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage
  • La Société FAYANT BATIMENT et la Société VIATER se sont opposées concernant le décompte général définitif.
  • Invoquant l’absence de garantie de paiement à la date de signature du contrat, le sous-traitant a assigné l’entreprise principale en nullité du sous-traité, aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire pour évaluer les travaux réalisés par ses soins et en paiement d’une provision.

Par un arrêt en date du 26 Mai 2023, la Cour d’appel de PARIS a rejeté les demandes de nullité du contrat de sous-traitance, de désignation d’un métreur vérificateur et de provision. La Société VIATER a donc formé un pourvoi.

La 3ème Chambre civil rappelle d’abord que

  • il résulte des articles 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 14, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que les parties à un contrat de sous-traitance peuvent convenir que celui-ci ne sera formé ou ne prendra effet qu’à compter de la date à laquelle le sous-traitant sera agréé par le maître de l’ouvrage et ses conditions de paiement par lui acceptées.
  • Dans ce cas, l’existence d’une délégation de paiement du maître de l’ouvrage au bénéfice du sous-traitant ou la délivrance par l’entrepreneur principal d’un engagement de caution à son profit à la date de l’agrément du sous-traitant et de l’acceptation de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage est exclusive de la nullité du sous-traité, sauf commencement des travaux du sous-traitant antérieur à l’obtention de ces garanties.

Elle restreint donc le champ d’application de la nullité et donne la priorité à la liberté contractuelle des parties.

Puis elle relève que la Cour d’appel a retenu

  • A retenu par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que le contrat de sous-traitance, signé le 24 octobre 2017, n’était valable qu’après acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage,
  • a constaté que celui-ci avait, le 3 avril 2018, d’une part, accepté le sous-traitant et agréé ses conditions de paiement, d’autre part, accordé une délégation de paiement pour le montant total de son marché initial

avant de l’approuver d’avoir « exactement déduit que, le sous-traitant ayant obtenu une garantie financière à la date de formation du contrat et ne démontrant pas être intervenu sur le chantier à une date antérieure, la demande de nullité de ce contrat et celle tendant à voir ordonner une expertise aux fins d’évaluation du coût des travaux sous-traités devaient être rejetées« .

Il en serait allé différemment si la Société VIATER avait commencé ses travaux avant l’obtention des garanties. Il revient donc au sous-traitant de pouvoir prouver cette intervention antérieurement, et à examiner, en détails, les conditions suspensives pouvant figurer à son contrat de sous-traité.

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